Amit Bakhirta, CEO de la société Anneau : «L’Afrique servira de tremplin à la démocratisation de l’investissement» | Défi Économie Aller au contenu principal

Amit Bakhirta, CEO de la société Anneau : «L’Afrique servira de tremplin à la démocratisation de l’investissement»

CEO de la société Anneau, Amit Bakhirta
CEO de la société Anneau, Amit Bakhirta a dirigé les services d’IPRO-Afrique durant sept années.

Comment Maurice, pourrait-elle tirer profit d’une croissance prévue de 3,9 % et d’un bassin consommateur de 1,1 milliard consommateurs, en Afrique en 2020 ? La réponse est sans équivoque pour Amit Bakhirta, CEO de la société Anneau, spécialisée en conseils, investissement et gestion des portefeuilles d’actifs : « Il faut motiver les Mauriciens et les institutions à investir, en Afrique, à travers des sociétés gestionnaires de fonds, car nul endroit n’est aussi prometteur que le continent africain, notamment certains pas qui affichent une belle santé économique et financière », dit-il.

« Il faut rester en Afrique durant des mois entiers et pas un mois pour saisir ces réalités qui sont loin des discours. »

Le patron d’Anneau, société fondée en 2019 avec une poignée de hauts professionnels n’aime pas les généralités lorsqu’il en vient à l’Afrique. « Ce continent n’est pas un bloc monolithique et il faut en finir avec les clichés qui ne montrent que conflits, maladies et pauvretés et instabilités chroniques, alors que d’autres pays sont des modèles de développement et c’est là-bas qu’il faut aller, comme le font l’Inde et la Chine », fait ressortir Amit Bakhirta, 40 ans au compteur. Pourquoi l’Afrique, mais aussi l’Inde ?

« Parce qu’il faut démocratiser l’accès aux investissements, mais à Maurice, à cause de l’histoire économique de l’île,  nous avons hérité d’une situation où certains secteurs-clés sont encore des chasses gardes », dit-il. « Il y aussi le fait que certaines sociétés ne s’ouvrent pas à de petits investisseurs. Mais même des grands groupes d’affaires et des banques sont en Afrique pour faire des affaires à cause de la taille du marché africain et des perspectives de croissance dans certains secteurs. Certains d’entre eux réalisent l’essentiel de leurs chiffres d’affaires en Afrique. L’Afrique servira de tremplin à la démocratisation de l’investissement », explique-t-il.

Expérience empirique

Mais le choix de se concentrer sur l’Afrique n’est pas le fruit du au hasard : Amit Bakhirta y a dirigé les services d'IPRO membre de CIEL Group durant sept années et l’expérience empirique lui a permis de recueillir une masse de données pour comprendre les réalités de l’Afrique, d’un pays à l’autre. « Il faut rester en Afrique durant des mois entiers et pas un mois pour saisir ces réalités qui sont loin des discours », fait-il valoir. Pour avoir été les premiers Mauriciens à créer des fonds d’actions et d’obligations en Afrique pour le compte d’IPRO, il a été amené à gérer tout aussi bien des fonds privés que souverains. « Cette expérience et expertise sont très importantes lorsqu’on se lance dans ce type de domaine en Afrique, mais en fin de compte, vous vous apercevez que partout l’élément de confiance reste déterminant », fait-il observer.  C’est la réponse qu’il donne lorsqu’on lui pose la question sur la présence de professionnels d’origine indienne parmi ses collaborateurs. « Ce n’est nullement un atout gagnant, lorsqu’on travaille en Inde, ce qu’il faut faire prévaloir, ce sont nos arguments, car nous travaillons dans un environnement international », enchaîne-t-il.

Démocratisation

S’il part en Afrique surtout pour donner corps à ce concept de démocratisation qui lui parait porteur, c’est parce que l’explosion démographique y  a poussé des millions de personnes, souvent des jeunes, dans les villes, créant des besoins nouveaux dans de nombreux secteurs. « Celui de l’alimentation est le premier, mais il est parallèle à l’immobilier et la santé privé. Ces trois secteurs croissent en même temps », explique-t-il, avant d’indiquer : « Il faut être mesure de capter les attentes nées de la poussée démographique, de l’urbanisation et de l’émergence d’une bourgeoisie en Afrique. Ces trois secteurs offrent tous des opportunités à nos opérateurs, surtout les petites et moyennes entreprises dans l’alimentation, la construction ou la santé. » « Le savoir-faire mauricien en agro-alimentaire n’est plus à démontrer », dit-il, « et il faudrait s’instruire du rapport de la Banque mondiale, qui indique que l’industrie agro-alimentaire de l’Afrique aura une valeur à 1 milliard de USD en 2030 ».

Les actes à la parole

Mais comme notre interlocuteur ne perd jamais le nord, il en revient toujours aux actes concrets destinés à joindre les actes à la parole. Il pose comme préambule la nécessité d’accepter l’idée qu’il faudra plus d’une décennie à Maurice pour trouver ses marchés niches en Afrique. « Nous n’avons pas les mêmes moyens que la Chine, qui investit lourdement dans les grosses infrastructures, mais ils délaissent les logements sociaux, les appartements. C’est là que nos PME de construction peuvent faire jouer leur expérience », fait-il observer. Ces objectifs, admet-il, ne se réalisent pas en un tour de main, il faut créer des conditions pour leur mise en place. C’est pourquoi, plaide-t-il pour que l’histoire de l’Afrique, soit inscrite dans nos manuels scolaires et que des langues comme le zoulou et le swahili soient enseignés. « Ces langues permettent à tout étranger d’être plus proche des habitants d’Afrique du Sud ou en d’Afrique de l’Est, c’est un formidable outil de communication qui crée aussi la confiance », assure-t-il.

En finir avec les discours et promouvoir une véritable stratégie africaine, car « le monde est en Afrique », fait-il valoir et compte tenu de nos limites. « Dans dix ans ou plus, lorsque nous aurons formé une génération de jeunes professionnels mauriciens initiés  à l’histoire de l’Afrique et à ses réalités, nous serons en mesure de prendre un maximum d’opportunités présentes en Afrique. Mais c’est au gouvernement, de son côté, de mettre en place les traités destinés à faciliter cette démarche. Le coronavirus sera derrière nous et comme dans toutes crises, il faut savoir comment investir, ou et comment. C’est maintenant qu’il faut y penser », affirme-t-il.