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Plan de relance : le salut des entrepreneurs

Le salut des entrepreneurs

Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a, vendredi dernier, lancé un plan de soutien destiné aux entreprises, afin de les protéger contre les conséquences économiques néfastes de la menace du Covid-19. Au tour du Premier ministre d’annoncer, lundi, d’autres mesures, certaines contradictoires aux mesures de vendredi. Mais l’essentiel demeure, la protection de la population. Cependant, le plan est-il suffisant ?

Le pays demeure très vulnérable et à risque.

Un document de huit pages présenté par le grand argentier vendredi dernier, ce qui est le premier plan de soutien aux entreprises durant cette crise provoquée par le Coronavirus. C’est la réponse du gouvernement aux attentes des entreprises après plusieurs craintes exprimées à travers les médias et les réseaux sociaux. Une somme de Rs 9 milliards sera mobilisée à cette fin. Parmi les mesures, des prêts à faible taux d’intérêt, des moratoires sur les paiements, mais aussi certains prêts sans intérêt destinés aux petites entreprises. Par ailleurs, une somme additionnelle de Rs 208 millions sera allouée au ministère de la Santé pour l’achat des équipements.

Les deux secteurs les plus vulnérables, en ce moment, sont le tourisme et le manufacturier, mais d’autres secteurs comme le BPO, les services financiers ou encore le port-franc seront également touchés, compte tenu de la fermeture des frontières dans plusieurs pays et les mesures de confinements.

De son côté, le Premier ministre a rappelé que 157 pays dans le monde sont déjà affectés, et même, si Maurice n’a connu aucun cas jusqu’ici, le pays demeure très vulnérable et à risque, d’où la décision de restreindre l’accès aux ressortissants de certains pays infectés.

Croissance : aucune chance

Presque tous les observateurs économiques sont unanimes à reconnaître que la croissance économique, cette année, prendra un sale coup. La priorité du moment n’est plus la croissance, mais plutôt la protection de la population. Le 5 mars dernier, Business Mauritius, prévoyait une réduction de 0,2 % de la croissance. Le 10 mars, la Banque de Maurice estimait que la croissance serait entre 2,6 % et 2,8 % cette année, en raison de l’impact du COVID-19. Le ministre des Finances, lui, maintenant s’attend à une contraction de -3 % du PIB. Toutefois, il pense que, dans un meilleur scénario, elle sera de 2,5 %. À noter que le 27  février dernier, le ministre avait rassuré « qu'on n’est pas dans une situation de crise ». Mais les choses évoluent désormais très rapidement.

Radhakrishna Sadien: « Plan économique oui, mais où est le plan social ? »

Radhakrishna Sadien, président de la State Employers Federation (SEF), déplore que le gouvernement soit venu avec un plan économique, mais a oublié d’annoncer un plan social en urgence.

« L’économie ne roule pas seule, il y a la société civile derrière », dit le syndicaliste. Il souligne que ce n’est pas au gouvernement de toujours venir en aide au secteur privé, car pendant la bonne moisson, les grandes entreprises doivent pouvoir faire des provisions pour des périodes de crise. Il déplore aussi la non-participation de la société civile dans les prises de décision et les réunions pour discuter de la situation actuelle.

« Tous les stakeholders doivent être impliqués. Il faut un véritable comité de crise bien structuré afin de voir ensemble tous les aspects concernant l’impact de la menace du coronavirus, car cela ne concerne pas que le ministère de la Santé »,  dit-il. Il confie que la pénurie gagne déjà certains produits, malgré la réassurance des autorités. « Prenons le ‘sanitiser’, par exemple, il est introuvable sur le marché. Est-ce que les entreprises pourront-elles offrir ce produit aux travailleurs ? La ruée vers les supermarchés a déjà commencé, surtout par ceux qui ont les moyens. Ceux qui doivent attendre la fin du mois pour faire leurs courses verront les étagères vides. »

Radhakrishna Sadien regrette aussi l’absence de campagnes agressives pour mieux conscientiser la population, afin d’éviter toute panique. Il note de sérieux manquements au niveau des précautions et en a fait état dans une lettre envoyée au Premier ministre. Par exemple, il demande la suppression de l’Electronic Attendance System et le lancement d’une campagne de sensibilisation pour inviter les gens à éviter les foules ou autres rassemblements. Dans la même foulée, il invite le gouvernement à étendre le délai de paiements des taxes, frais ou amendes ou autres démarches administratives pour éviter que les gens fassent le déplacement vers des institutions comme la NTA, le Registrar General, etc, des endroits généralement bondés et propices à la propagation des virus.

Le syndicaliste propose une rémunération spéciale ou une couverture d’assurance pour tous les ‘frontline officers’ à risque, comme les cadres de l’immigration et les employés du secteur de la santé, entre autres. En plus, si un travailleur se retrouve en quarantaine, son salaire ne devrait pas être déduit.


Amar Deerpalsing : « Que le Portable Gratuity Fund soit reporté »

Le président de la Fédération des Petites et Moyennes Entreprises, Amar Deerpalsing, pense que le plan de soutien annoncé par le ministre des Finances comporte certes des mesures positives, mais il y a néanmoins des manquements. Par exemple, il aurait souhaité que le gouvernement offre des prêts sans intérêt à toutes les PME, compte tenu du contexte d’urgence. Pour prévenir des licenciements, surtout dans les secteurs fortement frappés par cette crise, à l’instar du manufacturier et du tourisme, il suggère qu’un congé soit accordé à ceux forcés au chômage technique et que le gouvernement contribue au paiement de leurs salaires, afin que ces gens puissent nourrir leurs familles. « Je demande aussi à ce que le Portable Gratuity Fund soit reporté, afin de ne pas affecter les entreprises déjà fragilisées. »

L’entrepreneur dit que le gouvernement devrait suspendre temporairement tous les remboursements des prêts existants et aussi du leasing. Par ailleurs, les entreprises doivent pouvoir continuer à investir même si les chiffres d’affaires vont tomber, alors elles doivent pouvoir emprunter à un taux zéro. Revenant au plan de soutien, Amar Deerpalsing espère que le plan sera implémenté très rapidement, sans aucun obstacle.


Kevin Teeroovengadum : « Une occasion pour repenser et restructurer notre économie »

L’économiste Kevin Teeroovengadum trouve insuffisant le montant de Rs 9 milliards qui sera mobilisé dans le cadre du nouveau plan de soutien proposé aux entreprises pendant la période de crise causée par la menace du Coronavirus. Considérant les sommes débloquées par d’autres pays, il est d’avis que, proportionnellement, nous avons besoin d’un plan de Rs 20 à Rs 25 milliards pour maintenir l’économie à flots.

L’économiste soutient que la situation évolue très rapidement et les données changent vite. Il cite comme exemple la décision du gouvernement, vendredi dernier, d’offrir des incitations et des rabais pour attirer des touristes pour ensuite, trois jours après, annoncer des restrictions sur le mouvement aérien. Ensuite, il pense qu’il faut davantage cibler les secteurs les plus vulnérables, à commencer par la santé, afin d’assurer que le pays dispose des équipements et ressources adéquats pour protéger la population, puis le tourisme, car à part les grands hôtels, les petites entreprises sont aussi très affectées. Il craint que les travailleurs forcés au chômage ne reçoivent pas de salaire et invite le gouvernement à s’assurer que ces gens là aient un minimum de revenus pour pourvoir s’adonner à leurs transactions mensuelles comme le remboursement des prêts, le paiement des factures et l’achat des provisions.   L’économiste conclut que cette crise est l’occasion pour nous de repenser et de restructurer notre économie et renforcer notre auto-suffisance, surtout dans le domaine agricole.


Asraf Dulull : « Le ‘corona trauma’ est plus grave que le virus lui-même»

L’ancien ministre Asraf Dulull nous a contactés pour donner son avis sur la situation actuelle. Selon lui, le ‘corona trauma’ est plus grave que le virus lui-même, car il incite les gens à stocker des provisions de manière irréfléchie, créant une pénurie pour les autres. « La production mondiale tourne au ralenti, et le panic-buying affecte les chaînes de distribution. Cela affectera la classe moyenne et la classe ouvrière », dit-il. Cependant, il pense qu’on ne peut fermer totalement nos frontières, car nous ne sommes pas un pays auto-suffisant et nous dépendons énormément sur nos importations. La solution est d’exercer un contrôle très strict au niveau du port et de l’aéroport, les deux seuls points d’entrées.

« La fermeture devrait être un dernier recours. Le gouvernement gère la situation avec beaucoup de rigueur, le Premier ministre préside beaucoup de réunions, mais la situation est devenue plus économique que médicale, car le traumatisme gagne les gens. C’est aux leaders mondiaux de voir comment contenir la propagation. Aujourd’hui nous voyons que les milliards d’investissements dans les armements ne servent à rien pour sauver l’humanité de ce virus. »