Industrie cannière : dans l’espoir d’un avenir enfin sucré | Défi Économie Aller au contenu principal

Industrie cannière : dans l’espoir d’un avenir enfin sucré

Canne
Le secteur sucre fait face à une pléiade de défis majeurs.

Las d’attendre des solutions à leurs problèmes, les planteurs veulent sortir de l’ombre. Après une première mobilisation nationale, dimanche dernier, à Réduit, à laquelle étaient conviés des leaders politiques, les représentants des planteurs songent déjà au lancement d’un mouvement national pour mieux revendiquer leurs demandes qu’ils jugent légitimes. Ils s’attendent à un partage équitable des bénéfices de l’industrie cannière.

Ils ne veulent plus être marginalisés. Des planteurs de la canne à sucre se sont mobilisés en grand nombre dimanche dernier, afin de faire entendre leurs doléances. Les organisateurs ont invité les leaders politiques de tous bords, afin de discuter de leur avenir, surtout de la répartition des revenus des trois segments principaux de l’industrie sucrière, à savoir le sucre, la mélasse et la bagasse.

Le secteur sucre fait face à une pléiade de défis majeurs : l’abolition des quotas européens, la libéralisation du marché, l’avènement du Brexit, la baisse continue du prix du sucre sur le marché mondial, les coûts de production en hausse à Maurice, le vieillissement de la main-d’œuvre et un faible taux de mécanisation, entre autres.

La surface de terre sous culture de la canne à sucre est passée de 71,580 hectares, en 2005, à environ 47,678 hectares en 2018. La surface se rétrécit à cause de la conversion des terres agricoles à usage résidentiel, commercial ou industriel.

Malgré tout cela, des planteurs se disent confiants d’un avenir meilleur, si les revenus sont équitablement repartis et si les planteurs ont l’opportunité de participer davantage dans les divers créneaux porteurs de l’industrie sucrière, par exemple, devenir actionnaire dans les usines ou raffineries.

Selon les chiffres de Statistics Mauritius, les petits planteurs, cultivent environ 37 % de notre production totale de cannes à sucre. En 2018, les usiniers ont cultivé 26 530 hectares de terre, alors que les petits planteurs ont exploité 20 677 hectares. La productivité locale est en moyenne 66,16 tonnes de cannes par hectare (ce qui donne environ 6,8 tonnes de sucre par hectare).

À titre de comparaison, la productivité en Inde est estimée à 69,8 tonnes de cannes par hectare, alors qu’en Brésil, le plus grand producteur de sucre, le taux est de 75,2 tonnes par hectare. Concernant la mélasse, en 2018, nous avons produit 106 871 tonnes, contre 122 273 tonnes en 2017. Le secteur sucrier contribue environ 0,5 % au Produit Intérieur Brut. La production sucrière de cette année est estimée à 325 000 tonnes.

2016
Surface sous culture (hectares) Production de cannes (tonnes) Production de sucre (tonnes)
51 476 3 798 448 386 277
2017
Surface sous culture (hectares) Production de cannes (tonnes) Production de sucre (tonnes)
49 974 3 713 331 355 213
2018
Surface sous culture (hectares) Production de cannes (tonnes) Production de sucre (tonnes)
47 678 3 154 516 323 406

Zero-Budget Natural Farming : 100 tonnes de cannes par arpent

Subhash Palekar est le promoteur infatigable du concept « agriculture naturelle à budget zéro » en Inde. Des fermiers indiens utilisant sa méthode ont réussi à produire jusqu’à 100 tonnes de cannes par arpent.
Palekar a étudié l’écosystème des forêts et les processus naturels qui permettent la pousse de tant de fruits, plantes et arbres sans intervention humaine. Ainsi, il a développé son concept où le coût de production est quasiment nul. Dans la mesure où les plantes ne prélèvent que 1,5 % à 2 % des nutriments dans le sol (le reste provenant de l’air, l’eau et l’énergie solaire), il n’y a aucun besoin d’ajout d’engrais ; l’agriculture naturelle ne nécessite pas d’intrant chimique ni de compost organique.

Les nutriments (azote, phosphate, potassium, fer, soufre, calcium) présents dans le sol doivent d’abord être transformés par l’action de micro-organismes (bactéries, microbes, vers de terre) qui sont normalement présents dans le sol, mais que l’utilisation excessive de produits chimiques a détruit. Il est donc nécessaire de les réintroduire par des méthodes naturelles, telles que l’application du fumier des vaches.

Subhash Palekar a mis au point un agent catalytique naturel, afin de favoriser la formation d’humus dans le sol en encourageant la multiplication des micro-organismes. Les composantes sont entièrement naturelles : eau, bouse et urine de vache locale, farine de légume sec et terre.

La paille répandue dans les champs crée un microclimat sous lequel les micro-organismes se développent de manière optimale. La pluriculture, par opposition à la monoculture est la culture de deux espèces ou plus dans le même champ, pendant une saison, afin de promouvoir leur interaction. La présence de différentes espèces aide à limiter les maladies, certaines plantes agissant comme pesticides naturels contre les d’autres plantes ravageuses, tandis que la rotation des cultures protège contre les maladies endémiques.

Subhash Palekar était en conférence à Maurice en 2015. Un de ses adeptes à Maurice, Vishal Bheekharry, offre des sessions de formation sur ce concept. (Plus d’informations sur sa page facebook ‘Zero Budget Natural/Bio Farming-Mauritius’).

Les planteurs de légumes dans la tourmente

Les planteurs de légumes font eux aussi face à certains problèmes. Rajdeo Kissoonah, président de la Mauritius Cooperative Alliance, indique qu’il y a en ce moment plusieurs maladies qui ravagent les plantations. « La culture des oignons est la plus affectée. Il se peut qu’on ait une pénurie d’oignons prochainement », dit Rajdeo Kissoonah. Il attribue la source du problème à l’interdiction d’usage de certains pesticides.

Les alternatifs proposés ne sont pas efficaces et certains de ces produits doivent être appliqués trop souvent, ce qui entraîne un coût additionnel. Rajdeo Kissoonah lance un appel au gouvernement pour dédommager les planteurs, victimes de ces maladies ravageuses. Il conclut que le gouvernement doit mesurer les conséquences de toute interdiction de certains pesticides.


Ashok Subron : « Une demande justifiée »

Ashok Subron

Ashok Subron, négociateur syndical, dit être tout à fait d’accord avec le combat que mènent les planteurs de cannes. « C’est vrai que les planteurs ont toujours été exploités et qu’il n’y a pas une répartition équitable des revenus du sucre. La demande de Rs 2 500 par tonne est entièrement justifiée », dit Ashok Subron. Il indique que c’est une demande limitée, parce que les planteurs sont prisonniers du secteur, ainsi que leurs terres, car ils auraient pu mettre leurs terres au développement de l’agri-solaire. Il rappelle qu’il a lui-même créé une coopérative pour monter un projet agri-solaire, mais que sa demande de permis n’a pas été approuvée.


Kreepalloo Sunghoon : « Nous poursuivrons notre campagne »

Kreepalloo Sunghoon

Kreepalloo Sunghoon, président de la Small Planters' Association, avance que les planteurs en ont marre de discuter avec tous les ‘stakeholders’ de l’industrie sucrière, car aucune solution concrète n’a été trouvée à leurs problèmes. Ils ont donc décidé de venir avec une plateforme commune, afin de permettre aux leaders politiques de tous bords d’écouter leurs doléances et de trouver des solutions. « Nous avions voulu que tous les politiciens, que ce soit du gouvernement ou de l’opposition, viennent nous écouter et ensuite trouver des solutions. Notre but est de donner une portée nationale à nos problèmes », explique le représentant des planteurs, qui déplore l’absence du Premier ministre. Il révèle que l’invitation avait été lancée depuis le 20 août. « C’est malheureux, car nos collaborateurs internationaux suivent notre actualité. »

Kreepalloo Sunghoon a calculé le coût de production à Rs 2 200 et il avance que la requête de Rs 2 500 est justifiée. « Le planteur n’aura que la modique somme de Rs 300 par tonne », dit-il. « Nous comprenons que les usiniers ont des coûts eux aussi, c’est pourquoi nous avançons un chiffre raisonnable et réalisable, car le sucre rapporte près de Rs 8 000 la tonne », soutient-il.  Les organisateurs sont satisfaits du succès de leur rassemblement et comptent poursuivre leur campagne d’information auprès des planteurs à travers le pays. Ils veulent lancer un nouveau mouvement pour regrouper tous les planteurs. Ils proposent que le gouvernement crée un nouvel organisme, le ‘Mauritius Cane Planters Syndicate’. Ils ne veulent plus traiter avec le Mauritius Sugar Syndicate.

Il est d’avis que les planteurs peuvent aussi devenir des entrepreneurs dans la production de l’énergie ou du rhum, si le gouvernement leur offre les mêmes facilités accordées aux usiniers. Il conclut que c’est un crime de laisser 27 000 arpents de terre à l’abandon, mais les planteurs n’ont pas de choix.