Protection des consommateurs : ces autres abus gardés sous silence | Défi Économie Aller au contenu principal

Protection des consommateurs : ces autres abus gardés sous silence

Consommateurs
Le Consumer Bill se fait toujours attendre.

Le dossier de protection des consommateurs a toujours été un bras de fer entre les autorités et les associations de protection de consommateurs. En attendant l’avènement d’une nouvelle législation qui est toujours en préparation, des associations affûtent leurs armes pour venir avec leurs ‘Policy Paper’ très élaborés.

Les consommateurs sont bien encadrés à Maurice. Outre l’existence d’une Consumer Affairs Unit au sein du ministère du Commerce, le pays compte également quatre principales associations privées pour la protection des droits des consommateurs : la CAP, l’ACIM, l’APEC et le Consumer Eye. Une quatrième agence, l’ICP, n’est plus opérationnelle.

Toutes ces agences veillent au respect des lois régissant le commerce et la consommation. N’empêche, il y  toujours des abus qui passent entre les mailles. Il y a aussi des anomalies institutionnelles qui pénalisent les consommateurs. La Consumer Affairs Unit, organisme d’état, n’est pas toujours habilitée à intervenir dans tous les cas. Par ailleurs, suite à la promulgation de  l’Ombudsperson for Financial Services Act 2018, l’Office of the Ombudsperson for Financial Services a été créé pour recevoir et traiter les plaintes des consommateurs des services financiers et même accorder une indemnité à titre de dédommagement.
Aucune suite
Jayen Chellum, le secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), dit regretter que le Consumer Protection Bill, introduit en avril 2014 par l’ancien gouvernement, n’a jamais connu de suite. Il dit se réjouir de l’avènement des nouvelles législations pour mieux protéger les travailleurs, mais il soutient que le gouvernement n’a pas fait de grandes avancées en ce qui concerne la protection des consommateurs. « La situation actuelle est nettement en faveur des commerçants et contre les consommateurs », estime Jayen Chellum. « Cinq ans déjà écoulés et toujours pas de Consumer Bill. »

Mosadeq Sahebdin, président de la Consumer Advocacy Platform (CAP), révèle que les consommateurs attendent une nouvelle loi protectrice depuis 2007. « En 2014, un Consumer Protection Bill avait été introduit mais n’a pas abouti. Le nouveau gouvernement a retravaillé cette loi mais elle n’est pas encore prête », dit Mosadeq Sahebdin. Il soutient qu’en ce moment, il n’y a aucune disposition légale pour bien protéger les consommateurs, par exemple en ce qui concerne le service après-vente ou la disponibilité des pièces de rechanges. Il avance que la société a beaucoup évolué et que la Consumer Protection Unit du gouvernement, dans sa forme actuelle, est largement dépassée. Il préconise la création d’un nouvel organisme indépendant, calqué sur le modèle de la Competition Commission pour vraiment protéger les consommateurs.

« Cet organisme devrait avoir le pouvoir d’imposer des sanctions en cas d’abus de la part des commerçants. Il doit avoir parmi son personnel, des économistes et des analystes qui comprennent les grands enjeux commerciaux et l’impact sur les consommateurs. » L’institution devrait aussi pouvoir formuler des propositions au gouvernement pour une politique nationale de la protection des consommateurs. « À défaut d’un nouvel organisme, le gouvernement doit élargir les attributs de l’actuelle unité. Par exemple, aujourd’hui quelqu’un qui est victime de négligence médicale n’a pas de recours. La CPU ne peut intervenir, malgré le fait qu’un patient soit aussi un consommateur des services de la santé publics.» À ce sujet, il ajoute que la notion de ‘Patient’s Charter’ n’existe pas chez nous. Mosadeq Sahebdin évoque aussi le segment e-commerce qui évolue sans aucun cadre légal approprié.

Disability Bill: Anne ma sœur Anne…

Cela fait maintenant cinq ans que les personnes en situation de handicap attendent le Disability Bill promis par le gouvernement.  Yaaseen Edoo, activiste pour la cause des personnes en situation de handicap, rappelle que le manifeste électoral de l’alliance au pouvoir spécifiait bien qu’un ‘Disability Discrimination Bill’ sera présenté afin d’éliminer toute discrimination sur la base d’incapacité physique et mentale. « L’ancien gouvernement avait promis une telle loi mais elle n’a jamais été réalisée. D’où notre espoir  que le présent gouvernement allait rectifier le tir, mais c’est dommage », dit Yaaseen Edoo.

Il rappelle que plusieurs hautes personnalités, dont l’ancien Premier ministre Sir Anerood Jugnauth,  l’actuel Premier ministre Pravind Jugnauth et le ministre Etienne Sinatambou ont, à tour de rôle, dans leurs messages au magazine Handicap Universel, dont il est le rédacteur, promis que cette loi en préparation est imminente. « Les personnes en situation de handicap sont aussi des consommateurs des services publics et privés, mais sans l’avènement d’un cadre légal robuste, elles feront toujours face à la discrimination », conclut l’activiste social.

Le non-remboursement

Il est coutume de voir dans les magasins une affichette qui dit « Les articles vendus ne seront ni échangés, ni remboursés ». Beaucoup de clients ignorent cette clause lors de l’achat et se retrouvent ensuite dans un dilemme. Selon un cadre de la Consumer Affairs Unit, cette affichette n’est pas illégale. « Le commerçant a le droit d’imposer ses conditions, mais avant d’acheter, le client peut à son tour négocier les conditions avec le vendeur, par exemple, exiger le droit de retourner le produit ou l’échanger en cas de non-satisfaction », explique le cadre. Il revient au client de choisir s’il veut acheter ou pas chez le commerçant.

Quand la vignette coûte plus cher

Les automobilistes peuvent payer la vignette (déclaration) annuellement ou en tranches de trois ou six mois. Les autorités donnent la possibilité d’effectuer le paiement par trimestre. Un des objectifs est de permettre à ceux qui ne peuvent débourser un gros montant annuel de payer en tranches. Mais avec cette ‘facilité’, le coût total revient à plus cher. Par exemple, une ‘déclaration’ de Rs 4,000 payée en quatre tranches coûte Rs 4,800. Un petit planteur qui ne possède pas cinq arpents de terres n’est pas éligible à une concession et doit donc payer sa vignette sur son tout-terrain quelque soit son âge, à Rs 13,000. Mais s’il paye par trimestre, il débourse Rs 16,000 ! Ce qui veut dire que cette soi-disant facilité  tonde davantage le consommateur !

Jayen Chellum nous dit qu’il a déjà soulevé cette question et trouve aberrant qu’on fait payer aux automobilistes des charges additionnelles alors que le but est de leur faciliter la vie.

Voitures accidentées

Les concessionnaires de voitures reconditionnées importées doivent fournir une pléiade de documents pour prouver la provenance du véhicule en question. Le but est de protéger le client car il y a eu beaucoup de cas où des voitures accidentées et retapées ont été vendues. Mais il n’y a aucun système pour avertir le client qui fait l’acquisition d’une voiture de seconde main locale. Pourtant, chaque semaine, des centaines de véhicules accidentés vendus à l’encan sont réparés et revendus, et il est difficile pour l’éventuel acquéreur de savoir l’historique du vehicule.

Produit d’appels

Des supermarchés se servent des produits d’appels à des prix réduits considérablement comme appâts pour attirer les clients. Mais les clients ne peuvent acheter qu’un nombre limité de ces produits. Or, dans un marché libre, ce n’est pas le rôle des commerçants de décider quel nombre de produits le client a droit.

Line rental

Mauritius Telecom, un des fleurons des entreprises d’État, a annoncé des profits de Rs 1,3 milliard pour l’année 2018. Pour son CEO, cette hausse de 32 % dans les bénéfices est un chiffre record depuis 2014, Mais pour les consommateurs, cette hausse de profitabilité peut désormais permettre à Mauritius Telecom de se passer de son ‘Line Rental’ mensuel car l’organisme a déjà rentabilisé ses investissements.