Crainte globale d’un ralentissement économique : Maurice sera-t-il toujours résilient ? | Défi Économie Aller au contenu principal

Crainte globale d’un ralentissement économique : Maurice sera-t-il toujours résilient ?

Maurice

Les médias étrangers soulignent, depuis un certain temps, la crainte d’un ralentissement économique global. Le World Economic Forum tire l’alerte sur une récession inévitable, tandis que Moody’s révise à la baisse le taux de la croissance indienne pour 2019, alors que les exportations de Singapour plongent sur fond de conflit Chine-États-Unis. Maurice, fera-t-elle preuve d’une nouvelle résilience en cas de détérioration économique mondiale ?

La dernière crise mondiale remonte à plus d'une décennie.

La situation économique mondiale est très agitée. Et pour cause ! L’incertitude du Brexit, avec ou sans accord, la contraction de l’économie allemande, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, cette dernière ayant un impact négatif sur l’économie singapourienne, le spectre d’une récession indienne et la tension iranienne, entre autres.

Le risque d’un ralentissement économique est bien là, selon différents observateurs internationaux. L’île Maurice étant une économie très ouverte, le pays souffrira sans nul doute des soubresauts globaux, soutiennent des observateurs locaux.

La dernière crise mondiale remonte à plus d’une décennie, bien que les causes fussent différentes. Aussi appelée la crise des ‘subprimes’, elle avait à partir de 2007-2008, pris une ampleur sans précédente après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. La crise avait débuté avec les difficultés rencontrées par les ménages américains à faibles revenus pour rembourser les crédits de leur logement. Presqu’au même moment, le monde faisait face à une crise alimentaire, faisant grimper les prix des denrées de base. Cependant, à travers des robustes mesures économiques, le pays a pu démontrer une grande résilience et limiter la casse. D’ailleurs, dans un rapport, en 2011 intitulé,

« Mauritius A Success Story », la Banque Mondiale souligne que  “During and in the aftermath of the biggest exogenous shocks to its economy in recent times—the phasing out of the Multifibre Arrangement governing textiles, significant reductions in EU sugar protocol prices, the 2008 food and fuel crisis, and the 2008–09 global financial crisis—Mauritius’s economy has displayed strong resilience.” Le rapport cite Sir Anerood Jugnauth, alors Président de la République, qui dit : “There is no miracle. It is due simply to hard work, discipline, and will.”

Pierre Dinan : « Plusieurs facteurs mondiaux peuvent ralentir l’économie »

Pierre Dinan

L’économiste Pierre Dinan nous relate comment une décroissance en Allemagne a pris de court tout le monde. Selon lui, l’Allemagne est victime des conséquences de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. « Un pays hautement industrialisé comme l’Allemagne a vu ses exportations vers la Chine baisser, car la Chine a connu un ralentissement, en raison de son conflit avec les États-Unis », explique l’économiste. Ainsi, cet exemple illustre comment un problème dans un pays peut avoir des conséquences chez les principaux fournisseurs de ce pays. « La guerre commerciale pourra avoir des répercussions sur l’économie mondiale dans son ensemble », dit-il. L’autre facteur à surveiller concerne les incertitudes sur le Brexit.

« Si les choses ne s’arrangent pas pour les Britanniques et que le Royaume- Uni arrive à avoir des secousses, cela s’avérera néfaste pour nos marchés d’exportations et notre tourisme », indique l’économiste. Il ajoute qu’il y a aussi d’autres facteurs qui peuvent amener une instabilité économique, à l’instar de la polémique iranienne sur l’accord nucléaire. « Il y a des gros nuages. Même si politiquement, tout cela ne nous concerne pas, économiquement, nous devrons être conscients de ce qui se passe autour de nous. » Comme nous importons presque toute notre alimentation et notre énergie, nous ne pouvons voir nos exportations chuter, mais les risques sont là, que ce soit pour notre textile, notre tourisme, nos services financiers ou encore le secteur informatique. Mais comment pouvons-nous être à l’ abri ? À vrai dire, c’est difficile, car, comme dit l’anglais, nous sommes ‘at the receiving end’, mais nous pouvons nous assurer que nos produits soient les meilleurs, afin de ne pas perdre des marchés.

« Nous devrions aussi voir comment réduire nos importations, par exemple à travers plus d’énergies renouvelables. »

Et les prochaines élections auront-elles un impact sur notre économie ? À cette question, Pierre Dinan dit que, d’ordinaire, les investisseurs n’aiment pas l’incertitude, donc ils ont tendance à attendre l’installation d’un nouveau gouvernement, qu’elle soit la même ou une autre équipe. « Cette année a été un peu difficile. L’année prochaine, nous aurons une meilleure stabilité et moins d’incertitudes. Mais il faut qu’on ait des investissements durables et non des ‘one-off’, comme les infrastructures. »

Croissance maintenue à 3,9 %

Le dernier bulletin de Statistics Mauritius maintient la prévision pour le taux de croissance de l’année 2019 à 3,9 % et ce, malgré une baisse de la performance prévue dans le secteur de la construction, l’hôtellerie, l’informatique et les services financiers. À noter que la croissance finale est tributaire de l’évolution économique au niveau global. Fait surprenant, mais encourageant, notre secteur manufacturier connaîtra une croissance supérieure à celle de 2018, soit 1,1 % comparé à 0,7 %, l’annexe dernière. En effet, le secteur manufacturier commence à attirer des investisseurs étrangers, dans des segments innovants. Deux projets intéressants, l’un dans l’ingénierie légère et l’autre concernant l’assemblage local des climatiseurs pour l’exportation, sont en gestation.

Kugan Parapen : « Notre résilience est artificielle »

Kugan Parapen

Kugan Parapen, économiste, appréhende lui-aussi la possibilité d’une crise économique mondiale. « Il y a beaucoup d’indicateurs qui pointent dans cette direction, comme l’instabilité économique et géopolitique, des facteurs qui peuvent accentuer une crise », dit-il. Il cite la décroissance en Allemagne et le Royaume- Uni pendant le deuxième trimestre et les indicateurs qui tournent au rouge dans des pays développés. Mais sommes-nous à l’abri ? Il répond que Maurice étant une économie qui dépend énormément de ses exportations et du tourisme, nous demeurons toujours vulnérables. Alors ne serons-nous pas résilients, comme en 2008 ? Kugan Parapen explique que notre résilience est artificielle, dans le sens qu’elle est masquée par une dépréciation volontaire de la roupie.

« Si nous regardons les chiffres en perspective de la roupie, il semble que nous faisions bien, mais par rapport au dollar, nous n’avons pas fait mieux. » Il cite l’exemple de la Bourse de Maurice, où la valeur totale des titres en dollars est moins qu’en 2007, alors qu’en roupies, c’est beaucoup plus. « En valeur réelle, nous ne faisons pas mieux que les autres pays », conclut-il.

Frankie Tang : « Notre économie est très dépendante »

Frankie Tang

Frankie Tang, économiste et conseiller en investissements, se dit plus préoccupé par le Brexit que la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. « En général, le feu couve partout et nous subirons les conséquences, que ce soit de la crise chinoise ou le Brexit », dit-il. Il souhaite que les deux géants économiques accordent leurs violons pour éviter une récession mondiale. Il soutient que notre économie est très dépendante des autres. « L’équation est simple. Si le monde extérieur se porte bien, nous sommes bien. »