Tourisme : les réservations dans les hôtels en chute
Le nombre de visiteurs attendus au second semestre ne permettrait pas à l’industrie de retourner au niveau de croissance atteint au cours des cinq dernières années. Il y a urgence pour réguler le secteur informel. Après la publication de nouvelles estimations pour 2019 - à la baisse pour les arrivées et les revenus - Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’Île Maurice (Ahrim), décortique les données disponibles.
Les nouvelles estimations de Statistics Mauritius et de la Banque de Maurice confirment que l’industrie du tourisme passe par une année difficile. Les arrivées sont projetées à 1,425 million, une progression de 1,8 % par rapport à 2018. Et les revenus augmenteraient de Rs 700 millions (soit +1%) pour se hisser à Rs 64,7 milliards. Ces estimations ont été revues à la baisse à deux reprises entre fin mai et fin août.
« On est malheureusement bien loin des premières estimations de 2019, soit 3,6 % de croissance des arrivées et 5,5 % de croissance des recettes. Il n’est pas trop tard pour se rattraper un peu durant le reste de l’année 2019 mais effectivement l’année ne sera pas une année extraordinaire dans la même foulée des années 2014 à 2018 », affirme Jocelyn Kwok. Â la question de savoir si les réservations se sont améliorées pour les quatre derniers mois de 2019, notre interlocuteur affirme que c’est le contraire : « Non pas du tout. Les niveaux de réservation dans nos hôtels sont en chute. »
Le sourire de la concurrence
Les arrivées au premier semestre ont progressé de 0,5 %, avec trois sur les sept principaux marchés en progression. Dans la région, la concurrence est en meilleure posture. Les Maldives – ayant un nombre conséquent de chambres – sont en croissance de 19 %. Et les Seychelles ont enregistré une augmentation de 9 %.
« Il est effectivement malheureux que nos principaux marchés, sauf la France, soient tous peu porteurs sur Maurice en ce moment précis, chacun à sa manière. Il ne faut pas oublier que la compétitivité de la destination reste un élément dynamique et en ce moment, nos concurrents directs arrivent à faire mieux », affirme notre interlocuteur. « Maurice a perdu du terrain et il y a certainement des leçons que nous devrons tirer afin de mieux nous armer pour la suite. »
Secteur informel versus revenus
S’il y a un aspect de l’industrie du tourisme qui demande une attention particulière des autorités, selon Jocelyn Kwok, c’est bien le secteur informel, soit l’offre d’hébergement. Les activités dans ce segment échappent au contrôle et dans la comptabilisation des données telles que les revenus. Au premier semestre, les recettes ont chuté de quelque Rs 2.4 milliards pour passer à Rs 31,1 milliards. Il évoque trois raisons :
« Pour moi, la raison principale reste la montée en puissance de l’informel. Il faut savoir que les recettes sont captées par la Banque de Maurice à partir de relevés soumis par les banques et les bureaux de change.
Les banques ont une liste prédéterminée d’opérateurs touristiques et les bureaux de change rapportent le montant de devises converties en roupies par les touristes, détenteurs de passeports étrangers. Il y a également un système de consolidation des transactions faites par des cartes bancaires domiciliées à l’étranger », explique-t-il. « Il est donc facile d’imaginer tout ce qui échappe à cette méthode de collecte de données. Il y a ensuite une information très connue, c’est-à-dire, le nombre d’hébergements visibles et mis en vente sur les sites d’Airbnb et d’autres étant cinq à six fois supérieurs au nombre officiel de licences d’établissement d’hébergement délivrées par la Tourism Authority. Ces mêmes licences sont également en baisse depuis ces trois dernières années. Donc, il ne faut pas aller chercher trop loin ; le système tel quel laisse l’informel grossir tranquillement. »
La deuxième raison reste d’ordre technique, dit-il. Jocelyn Kwok souligne qu’il y a une baisse du nombre de touristes séjournant effectivement dans l’île (moins 8,000 à fin juillet) et une hausse de croisiéristes qui ne font que transiter (plus 11,000 à fin juillet). En même temps il y a une baisse de la dépense unitaire dans l’île. Cette baisse peut être attribuée à une moindre fréquentation des hôtels et un recours à des hébergements moins onéreux. Le taux moyen d’occupation des chambres d’hôtel pour le premier semestre 2019 est d’ailleurs en chute significative, 69 % contre 73 % en 2018. Il se pourrait aussi que la consommation des activités (excursions, attractions, visites, déplacements, shopping…) des touristes soit en chute aussi mais cela reste à être vérifié, dit-il.
La troisième raison, selon notre interlocuteur, serait les changements de profils de touristes. Parmi les marchés en baisse, nous retrouvons les plus grands consommateurs que sont les touristes chinois et anglais. Et des deux marchés en croissance, soit la France et l’Allemagne, ce dernier nous a surtout apporté une augmentation de croisiéristes, accompagnée d’une chute significative de touristes qui séjournent vraiment dans l’île.
Les arrivées semestrielles des sept principaux marchés*
Pays | 2018 | 2019 | Changement |
France | 138,456 | 144,189 | 4.10% |
La Réunion | 66,339 | 63,747 | -3.90% |
Allemagne | 59,535 | 61,901 | 4% |
Grande-Bretagne | 62,962 | 61,607 | -2.20% |
Afrique du Sud | 54,188 | 54,782 | 1.10% |
Inde | 48,898 | 41,386 | -15.40% |
Chine | 33,823 | 21,945 | -35.10% |
Total | 464,201 | 449,557 | -3.20% |
* Chiffres pour la période de janvier à juin 2019
Source : Statistics Mauritius
Voyage, voyage : quand les Mauriciens prennent l’avion…
Alors que les arrivées touristiques sont au ralenti, les voyages qu’effectuent nos compatriotes sont en progression de 8.1% au premier semestre, atteignant 144,554. Excluant les Émirats Arabes Unis – dont l’aéroport de Dubayy est un point de transit important vers d’autres destinations – les pays les plus visités sont La Réunion, l’Afrique du Sud, l’Inde, la France et la Grande-Bretagne. Au premier semestre, toujours, notons la baisse de 45.4% dans les départs vers la Chine, 32%.3% vers l’Arabie Saoudite et 13% vers les Seychelles.
Bourse de Maurice : les groupes hôteliers en recul
Les investisseurs à la Bourse de Maurice boudent les valeurs hôtelières, comme en témoigne la baisse généralisée dans le cours des actions des opérateurs du secteur. Depuis le début de l’année jusqu’au 26 août, Sun Limited a perdu 37,4 % de sa valeur, atteignant Rs 30,05. New Mauritius Hotels Limited, premier opérateur hôtelier du pays, a reculé de 19,2 %, passant à Rs 17,25. Lux Island Resorts Limited – groupe ayant annoncé des profits après impôts de Rs 530 millions pour l’année se terminant au 30 juin 2019 – a chuté de 14,7 %, se situant à Rs 61. Et Constance Hotels Services Limited a perdu 12,5 %, clôturant la séance de lundi à Rs 25,80.
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