Suttyhudeo Tengur, président de l’APEC : «Les banques auraient dû, au nom du développement économique, revoir leurs taux d’intérêts» | Défi Économie Aller au contenu principal

Suttyhudeo Tengur, président de l’APEC : «Les banques auraient dû, au nom du développement économique, revoir leurs taux d’intérêts»

Suttyhudeo Tengur

Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), est catégorique. Les banques font la pluie et le beau temps avec leurs taux d’intérêts faibles sur l’épargne, mais élevés sur l’emprunt. Il insiste non seulement pour une réduction des taux d’intérêts, mais aussi pour qu’on donne plus de pouvoirs à l’Ombudsperson for financial services.

« Nous avons effectivement à Maurice une population, voire des consommateurs pas ou peu éduqués sur le plan financier. Je dirai vite que ce n’est pas de leur faute. Il faut les éduquer. »

Le débat sur l’écart entre les taux d’épargne et de l’emprunt revient sur le tapis. Quel est votre avis sur la question ?
Dans tous les pays du monde, il y a des mesures incitatives pour encourager les gens à épargner. Malheureusement, à Maurice, il n’y a pas cette politique pour inciter la population à épargner. Par ailleurs, les banques ne jouent pas le jeu. Si vous n’acceptez pas les taux qu’elles proposent, vous n’aurez pas le prêt dont vous avez besoin pour financer vos projets (l’éducation de vos enfants, la construction de votre maison, l’achat d’un terrain, etc.). Quand on voit les milliards de roupies de profits qu’elles font, les banques auraient dû, au nom du développement économique, revoir les taux d’intérêts qu’elles pratiquent, soit en l’augmentant sur l’épargne et en les réduisant sur l’emprunt.

D’après les plaintes qu’a reçues votre association, ce sont surtout les personnes âgées qui se disent affectées par cet écart…
Les Seniors dépendent de leur pension et de leurs économies pour vivre. Or, ils ne touchent que des miettes sur les sous qu’ils ont placés en banque. Ce n’est guère étonnant qu’ils sont nombreux à se plaindre de l’écart entre le taux d’épargne et à l’emprunt. Un écart qui est effectivement très élevé et qu’il faut absolument réduire.

Vous notez aussi une méconnaissance de la part des consommateurs en général au niveau de l’éducation financière.

« Il aurait fallu donner à l’Ombudsperson for Financial Services le pouvoir, le statut et l’autorité d’un juge. Les mesures qu’il aurait prises auraient alors eu un impact réel sur le monde financier. »

Comment y remédier ?
Nous avons effectivement à Maurice une population, voire des consommateurs, pas ou peu éduqués sur le plan financier. Je dirai vite que ce n’est pas de leur faute. Il faut les éduquer. Nous avons la Financial Services Commission (FSC) dont une des attributions est d’expliquer les produits financiers aux Mauriciens et de protéger l’intérêt des épargnants. Or, il n’y a pas grand-chose qui est fait à ce niveau. La FSC aurait dû être plus proactive et venir de l’avant avec un projet qui soit à la fois régulier et étendu sur le plus long terme. Faire la pédagogie des Mauriciens est un processus dynamique et en continu. Les associations des consommateurs, les syndicats ou encore la Consumer Protection Unit (CPU) ont aussi un rôle à jouer au niveau de l’éducation des consommateurs. Mais, encore faut-il que les Mauriciens jouent le jeu en faisant des efforts pour s’informer sur tout ce qui touche à leur vie.

Les emprunteurs sont contraints de souscrire à une assurance, dépendant du type de prêt qui est contracté. Que pensez-vous de cette pratique ? Les collatéraux fournis comme garantie ne devraient-ils pas suffire ?
Je crois que c’est une bonne chose pour les consommateurs. Les collatéraux sont suffisants, certes, mais ces biens peuvent être saisis par la banque pour défaut de remboursement du prêt. Il y a aussi des cas réels où le client qui est endetté auprès de la banque meurt subitement. Dans de telles éventualités, l’assurance entre en jeu et les biens offerts en collatéraux sont protégés. Les familles ne perdent ainsi pas les biens offerts comme collatéraux à la banque.

L’Ombudsperson for Financial Services a entamé des discussions avec l’association des banquiers afin que les banques jouent le jeu au niveau de l’épargne et des frais excessifs. Est-ce suffisant pour rendre le sourire aux épargnants et soulager les emprunteurs ?
Il aurait fallu donner à l’Ombudsperson for Financial Services le pouvoir, le statut et l’autorité d’un juge. Les mesures qu’il aurait prises auraient alors eu un impact réel sur le monde financier. Il aurait eu une force dissuasive et ses décisions auraient été respectées. Actuellement, l’Ombudsperson for financial services est plus un bouledogue sans dents.

L’inflation s’élève à 1 % en juin, soit un taux en baisse comparativement à la même période l’an dernier

(4,3 %). Est-ce à dire que les prix des produits de consommation sont plus ou moins stables ?
Les prix de plusieurs commodités sont stables et certains produits ont même vu leur prix baisser. C’est dû au fait que la situation géopolitique globale et la production mondiale sont restés stables.

Les nouvelles lois du travail sont un autre sujet qui domine l’actualité ces jours-ci. Syndicats et patronat sont divisés sur certains amendements. Quelle est votre position sur la question ?
Ce sont des lois qui viennent s’harmoniser avec les règlements des lois internationales. De plus, certaines propositions faites sont très progressives et sont dans l’intérêt des travailleurs. Un exemple flagrant est le Portable Retirement Gratuity Fund. Avec cette mesure, chaque Mauricien bénéficiera d’une pension de retraite quand il cessera de travailler. Je suis donc très favorable à ces nouvelles lois. Toutefois, il ne faudrait pas que le gouvernement s’agenouille devant le patronat.

À l’approche des élections où les politiciens feront tout pour séduire les électeurs, peut-on s’attendre à une amélioration du niveau de vie des Mauriciens ou à des cadeaux empoisonnés une fois les élections finies ?
Maurice est un État de droit et il jouit d’une démocratie qui a atteint une certaine maturité. Si les politiciens croient qu’ils pourront acheter la conscience électorale des Mauriciens, ils se trompent lourdement. Les Mauriciens sont très éclairés et connaissent les grands enjeux nationaux. Ils ne se laisseront pas berner par des mesures de séduction et sauront faire le choix entre le bon et le mauvais grain.