Productivité en berne : les facteurs en cause | Défi Économie Aller au contenu principal

Productivité en berne : les facteurs en cause

Cheque
La croissance devra atteindre une moyenne de 3%. Est-ce réalisable ?

Un récent rapport du Fonds Monétaire International (FMI) brosse un tableau assez sombre de la productivité à Maurice.

Son  analyse des récentes tendances de la productivité démontre un ralentissement général comparé aux années 1990. En outre, pour atteindre un taux de croissance de 5 à 6 %, le rapport souligne que la croissance totale des facteurs de production devra atteindre environ 3 %, soit un taux bien supérieur à la croissance moyenne d'environ 1 % observée au cours des quarante dernières années. Mais est-ce réalisable ?

C’est un rapport qui n’a pas fait grand écho chez nous parce qu’il relate la dure réalité de nos perspectives économiques, contrairement aux rapports des classements internationaux vantant nos améliorations de rangs. Ce document du FMI intitulé ‘Mauritius: Selected Issues’ sorti en avril dernier met en relief la corrélation entre la productivité et les salaires, la baisse alarmante de notre productivité au cours des dernières décennies, les défis à venir pour booster le taux de croissance et l’impact du vieillissement de la population, entre autres.

Potential Output Growth
Le rapport n'a  pas fait grand écho à Maurice, car il relate la dure réalité économique.

L’analyse démontre que les difficultés rencontrées par Maurice résultent d’un ralentissement de l'accumulation du capital humain et la croissance inégale de la productivité au sein des divers secteurs. La croissance de la production potentielle a considérablement diminué à Maurice au cours des dernières trois décennies, passant de plus de 6 % à la fin des années 1980 à moins de 4 % en 2017.

Mais comment expliquer cette baisse ? Elle est due principalement à un ralentissement de la main-d'œuvre et à l'accumulation de capital. Rappelons que la participation des femmes a fortement stimulé la croissance dans les années 1980. Cependant, la modernisation des infrastructures, le développement des compétences, la création d’innovations et une hausse de la participation féminine active pourraient aider Maurice à déclencher la deuxième vague de transformation structurelle.

Maurice est à la traîne par rapport à ses pairs au sujet de la capacité d'innovation, notamment en main-d'œuvre qualifiée, la recherche et développement et l’informatique. Les dépenses liées à la recherche ne représentent que 0,2 % du PIB comparé à plus de 2 % dans les centres financiers avancés. En termes de capital humain, alors que le taux de scolarisation primaire et secondaire dépassent 95 % à Maurice, le taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur est a seulement 38,7 %.

Les TIC bons élèves

Le FMI prédit que la contribution du capital et de la main-d’œuvre à la croissance devrait rester faible à moyen terme. Avec le vieillissement rapide de la population, la participation de la population active devrait diminuer à l’avenir, ce qui réduira davantage la contribution de la main-d’œuvre à la croissance économique. De même, avec les investissements à moyen terme, qui seront inférieurs à ceux des années 90, la contribution du capital à la croissance sera également faible. En résumé,  c’est une hausse de la productivité qui serait le principal moteur de la croissance économique à l’avenir.

Au niveau sectoriel, la croissance de la productivité varie considérablement. À 6,4 %, le secteur des TIC a connu la croissance la plus rapide par rapport à la période 2009-2016, alors que la croissance annuelle de la productivité dans les secteurs de la finance et des assurances a été négligeable.

Les augmentations de salaire ont dépassé la productivité de la main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie. Le salaire moyen a augmenté plus vite que la productivité, entraînant une augmentation des coûts salariaux au cours des dernières années. La disparité entre les salaires réels et la productivité est plus visible dans le secteur de l’exportation. Ainsi, la perte de compétitivité des entreprises exportatrices s’explique par la forte baisse  des exportations réelles de biens au cours des dernières années, qui ont diminué par environ 20 % par rapport à 2014-2018. Les primes salariales élevées dans le secteur public constituent un problème, le salaire médian dans le secteur public ayant augmenté du taux de 218 % du salaire médian privé en 2011 à 240 % en 2016, ce qui décourage les travailleurs à réagir aux besoins du secteur privé.


Comment relever les défis ?

Ces défis pourraient être résolus par des politiques proactives et pragmatiques visant à améliorer la capacité d'innovation, le capital humain et les infrastructures, ainsi que des réformes structurelles pour remédier aux inefficiences du marché du travail. Il faut aussi se concentrer sur l’amélioration de la valeur ajoutée dans les secteurs traditionnels.


Les points positifs

Le rapport souligne que Maurice reste une démocratie vivante et dispose d’un environnement macroéconomique et politique stable et des institutions solides, avec un très faible risque d’appropriation et d’expropriation. Le pays a également un bon score sur les indicateurs des droits de propriété.


Les défis de l’exportation

Maurice a encore beaucoup à faire pour perfectionner son panier d’exportations. La complexité des exportations de marchandises de Maurice a toujours été inférieure à celle des autres économies similaires. Cet écart est dû à la forte omniprésence (ou au faible caractère unique) des exportations mauriciennes. Le panier d’exportations de Maurice manque également de diversification par rapport à ses concurrents mondiaux.  La dépendance de Maurice à l’égard du tourisme et une base relativement étroite dans des secteurs à haute complexité, tels que la finance, sont les principales raisons de cet écart. En 2014, par exemple, la finance ne représentait que 3 % des exportations de services de Maurice, alors que la moyenne pour les autres concurrents était de 14 %.


Les fonctionnaires malais récusent la Banque Mondiale

Dans un rapport publié la semaine dernière, la Banque Mondiale déclare que la performance de la Fonction publique malaise est en déclin depuis 2014, tout en soulignant ses préoccupations concernant la viabilité à long terme de la masse salariale du secteur public malaisien. La Fonction publique compte actuellement environ 1,7 million de personnes. Il a été rapporté que les salaires et les pensions des fonctionnaires représentent 44 % des dépenses de fonctionnement de l’État et cet item de dépenses publiques donnait une forte croissance. La vraie solution, pour la Banque Mondiale, consiste à avoir les bonnes personnes avec les bonnes compétences. Mais le président de la ‘Congress of Unions of Employees in the Public and Civil Services (Cuepacs), Datuk Azih Muda, a sévèrement fustigé le rapport et qualifié injuste et irresponsable la Banque Mondiale de prétendre que la Fonction publique malaise stagne, ajoutant qu’on ne peut comparer les résultats locaux avec ceux du monde entier.


Ganessen Chinnapen : « L’absence de méritocratie peut affecter la productivité »

Ganessen Chinnapen

L’économiste Ganessen Chinnapen dit avoir constaté une baisse de la productivité en général à Maurice. Il précise qu’on confond souvent entre production et productivité. La productivité est le degré de contribution d'un facteur de production. La tendance est à la baisse pour plusieurs raisons. « Le rythme de travail diminue avec l’âge. Notre population vieillissante aura un impact sur la productivité », explique l’économiste. Il ajoute qu’un travailleur est plus productif dans la tranche d’âge de 36 à 46 ans.

Ceux âgés de moins de 35 ans ont tendance à réaliser leurs ambitions, comme acheter une maison ou une voiture. Passé cet âge, le travailleur se stabilise et se donne à fond dans son boulot. Mais après 46 ans, le rythme diminue. Il y a plusieurs autres facteurs qui expliquent la baisse de productivité. Parmi, il y a la santé physique du travailleur, l’environnement du travail, les aléas de la vie moderne comme les embouteillages, etc. « L’absence de la méritocratie peut aussi démotiver l’employé », dit Ganessen Chinnapen.  Cependant, il n’est pas tout à fait d’accord avec l’assertion que la hausse des salaires a été plus forte que le gain de productivité. « On ne peut généraliser. Il y a beaucoup de secteurs ou de compagnies où il n’y a peut-être pas eu de révision salariale depuis assez longtemps. »