Secteur en difficulté : les maux du tourisme

L’achat de deux ponchos à Rs 85, 000 par un touriste saoudien a soulevé un tollé dans le secteur touristique. Alors que c’est un fait que bon nombre de touristes sont plumés par certains commerçants, ce n’est pas le seul problème du secteur. Mais quelles sont les autres reproches faites à la destination mauricienne ?
Le secteur du tourisme donne du fil à retordre aux autorités. Et pour cause. D’un coté, il y a une chute dans le nombre d’arrivées, surtout en provenance de certains pays jadis considérés comme de grands marchés émergeants. Ensuite, il y a les problèmes auxquels font face les touristes sur notre sol.
Jocelyn Kwok, directeur de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), a longtemps tiré la sonnette d’alarme : notre tourisme va mal, pour plusieurs raisons, mais principalement à cause de la dégradation de l’environnement et le manque de sécurité pour les touristes. Sen Ramsamy, un autre professionnel du secteur, a, dans ses différentes déclarations à la presse ces temps derniers, réitéré le fait que, même si nous n’avons pas atteint un niveau effrayant d’insécurité à Maurice, les crimes, les attaques sur les touristes et les délits liés à la drogue créent une mauvaise perception qu’il faut être prudent.
Le transport
L’un des premiers points de contact du touriste une fois arrivé à Maurice est le chauffeur de taxi. Il a un rôle important à jouer dans l’industrie touristique. Bien que la majorité des taximen soient des professionnels, il y a quand même certains sans scrupules qui exigent des montants exorbitants pour des courses. Par contre, les dirigeants des syndicats de taxis ont maintes fois déploré que des véhicules privés, opérant comme des taxis, se pointent à l’aéroport ou aux hôtels pour embarquer des passagers et quand les services proposés ne sont pas a la hauteur, ce sont les taximen qui portent le blâme, car le client ne fait pas de distinction entre taxi officiel et taxi ‘marron’. Coté positif, il est bon de rappeler qu’il y a probablement des centaines d'étrangers qui ont choisi d’investir chez nous après avoir été encouragés par les taximen. Les taximen, s’ils auraient bénéficié d’une formation adéquate en matière de promotion, auraient fait mieux que nos représentants à l’étranger, certains n’ayant pu amener à Maurice ne serait-ce qu’un seul investisseur concret.
Les chiens errants
La prolifération de chiens errants à travers le pays inquiète. Outre les morsures, les chiens errants représentent aussi une menace pour la santé, mais plus important, l’existence même des chiens errants, abandonnés et maltraités, en dit long de la façon dont nous traitons les animaux. Heureusement qu’il y a des ONG qui s’attaquent à ce problème. Même les expatriés mettent la main à la pâte en organisant des campagnes de stérilisation et faisant l’effort de trouver un toit pour eux.
Les attaques sur les touristes ou encore les vols dans les bungalows sont légion. Les vols ont pour toile de fond la consommation de drogue et les touristes deviennent des proies faciles pour des drogués en quête d’argent pour leur dose quotidienne. Sur le littoral, surtout dans le Nord, il y a de plus en plus de résidences touristiques situées dans des zones retirées, avec l’absence de routes asphaltées, de chemins non-éclairés et des terrains en friche dans le voisinage, ce qui contribue à l’insécurité. Selon les chiffres officiels, de janvier 2017 à juillet 2018, il y a eu 646 cas de vol perpétrés sur des touristes.
L’environnement
La dégradation de l’environnement est un autre facteur qui nuit au tourisme. L’insalubrité des lieux publics, l’absence de poubelles contraignant les gens à jeter leurs ordures en plein air (et même la présence de poubelles ne sert à rien dans certains cas), le dumping illégal aux abords des routes ou sur des terrains abandonnés, la pollution sonore, tout ça a un impact négatif sur le tourisme. Dans certaines régions du Nord, on va même jusqu’à combler des marécages, une action qui aura des conséquences désastreuses en cas d’inondations.
Quand des touristes déclarent des vols fictifs
La presse internationale, surtout britannique, dévoile régulièrement comment des touristes rapportent des vols fictifs pour réclamer des compensations auprès des assureurs. Les réclamations sont souvent loufoques, qu'il s'agisse de téléphones portables ou d'appareils photo, de bagages ou de portefeuilles perdus ou même de fausses plaintes médicales. Selon des études des assureurs, certaines personnes qui sont couvertes par une assurance-voyage pensent pouvoir récupérer leurs frais de voyage en faisant de fausses déclarations de vol. Des assureurs britanniques ont constaté une hausse de 500% des réclamations faites pendant les trois dernières années. En Espagne, des hôtels ont même banni des touristes britanniques à cause de cette culture de réclamation.
Jocelyn Kwok : « Nous devons repenser toute l'infrastructure des autorités compétentes »
L’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l'île Maurice (AHRIM) estime qu’il faut mettre en place une conduite appropriée pour faire respecter les pratiques et normes internationales en matière de tourisme sûr et efficace. Cela profitera à l'ensemble de la population. L’AHRIM préconise des pratiques strictes en matière de protection des consommateurs, associées à une amende exemplaire des fautes professionnelles et des abus, avec une communication abondante des autorités et des campagnes d’éducation et de sensibilisation en permanence tant pour les habitants que pour les visiteurs.
L’association estime aussi que pour les transports en commun, y compris les taxis, les itinéraires et les tarifs applicables, ainsi que les procédures de protection des clients soient bien affichés et publiés. Il faut également un affichage obligatoire des prix dans tous les points de vente, incluant les taxes payables et/ou remboursables. Elle propose la publication publique et régulière et obligatoire des listes d’opérateurs dûment agréés dans tous les domaines du tourisme et des avertissements appropriés adressés aux touristes concernant l’utilisation interdite des services d’opérateurs non-agréés.
Une bonne couverture de notre offre touristique est nécessaire. Les problemes relatifs aux plages, aux espaces publics, aux pratiques commerciales, aux taxis, aux solliciteurs, aux colporteurs, aux bateaux de plaisance, aux entreprises non enregistrées etc doivent être résolus avec plus de détermination et des moyens plus appropriés, y compris l'utilisation de la technologie par les autorités compétentes. Le visiteur étranger a besoin de protection car il ne recommandera pas la destination mauricienne s'il rencontre une seule mauvaise expérience au cours de son séjour.
En réalité, nous devons repenser toute l'infrastructure des autorités compétentes et leurs mandats respectifs afin de nous adapter aux besoins du visiteur, d'où qu'il vienne. Le tourisme dans le monde entier est appelé à se développer verticalement et horizontalement. Les destinations réussies affichent des résultats louables pour leur approche centrée sur le visiteur. Les visiteurs ne sont pas censés "savoir" et à Maurice, nous avons un problème avec cette faiblesse majeure de l’information et de la communication adéquates. La poursuite de l’étendu du secteur informel peut avoir d'importants effets négatifs non seulement en termes de recettes non déclarées ou de pertes de revenus pour le gouvernement, mais plus important encore, toute résolution en matière d'amélioration de la politique ou de renforcement institutionnel serait vaine, l'image et la réputation de Maurice devenant incontrôlables.
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