Déclin du pouvoir d’achat : la révision du salaire minimum fait débat
Face à la chute drastique du pouvoir d’achat, surtout pour ceux au bas de l’échelle et la classe moyenne, le ministre des Finances se dit prêt à réviser le salaire minimum. Qu’en pensent les dirigeants d’entreprise d’une éventuelle augmentation du salaire minimum ? Le point !
Rs 11 075 Le montant actuel du salaire minimum ne suffit pas à répondre à la hausse des prix, tout en permettant aux ménages d’assurer les dépenses courantes. C’est dans cette optique que Renganaden Padayachy a parlé de l’éventualité de revoir le quantum du salaire minimum cette année, au lieu d’attendre trois ans.
Aymeric Dookun, Managing Director de Deramann group, qui affirme ne pas être opposé à une révision du salaire minimum, est d’avis que cela devrait être cependant accompagné d’une hausse de la productivité et du volume de production. « Proposer un montant supérieur du salaire minimum pourrait être un pansement, mais le problème va revenir. Si la production reste le même alors que les coûts augmentent, cela va créer des pressions sur nos marges et la profitabilité », fait-il comprendre.
Situation difficile
Sur le ‘Profit and Loss Statement’ des entreprises, la masse salariale est une grande composante, représentant environ 70 %. Même si plusieurs entreprises ont renoué avec la profitabilité pour le dernier exercice financier, Zayd Soobedar concède que certaines sont toujours dans une situation difficile. « Les coûts de production augmentent, alors que le chiffre d’affaires et la profitabilité des entreprises diminuent. Dans un contexte où les ventes ne sont pas en hausse, plusieurs entreprises se retrouvent en situation de perte », souligne le Managing Director de Strategic Insight. D’ailleurs, précise-t-il, la pandémie a également affecté la solidité financière des grandes entreprises, qui ont dû avoir recours à la Mauritius Investment Corporation (MIC).
La dernière révision du salaire minimum remonte à janvier 2022. Or, la trésorerie de certaines PME est toujours en mauvaise posture. Clifford Duval, directeur de Golden Threads, fait ressortir qu’une nouvelle hausse du salaire minimum sera insoutenable. « Notre trésorerie commence à se stabiliser, mais c’est à court terme. Est-ce qu’une augmentation du salaire minimum incitera des Mauriciens à venir travailler dans une usine de textile ? Au cas contraire, l’exploitation des travailleurs étrangers va se poursuivre », argumente Clifford Duval.
Quelles solutions ?
Les effets différés d’une révision à la hausse du salaire minimum pourraient se faire sentir dans six mois à deux ans. Zayd Soobedar explique que l’impact sera sur l’emploi, le chômage, mais aussi sur la capacité de Maurice d’attirer les investisseurs étrangers. « Nous passerons de l’inflation importée à l’inflation par les coûts. Certaines entreprises pourraient même opter pour une délocalisation à l’étranger. L’attractivité du pays à l’égard des investisseurs étrangers sera mise à rude épreuve en cas de hausse du salaire minimum. Il ne faut pas oublier que le PRGF et la CSG sont aujourd’hui des coûts additionnels pour l’employeur », poursuit le Managing Director de Strategic Insight.
Pour éviter que certaines entreprises ne mettent la clé sous le paillasson ou opèrent au noir, se voyant dans l’incapacité de répondre à une hausse du salaire minimum, Zayd Soobedar suggère que le gouvernement vienne de l’avant avec un ‘scheme’ ou une ‘special allowance’. Autrement dit, un genre de ciblage pour les familles dont le salaire mensuel ne dépasse pas Rs 20 000 ou une subvention spéciale aux entreprises pour leur permettre de financier le salaire de leurs employés.
De son côté, Aymeric Dookun est d’avis que le gouvernement devrait proposer des ‘incentives’ pour que les Mauriciens achètent les produits locaux. Ce faisant, le volume de vente augmentera, et cela permettra de ventiler la masse salariale.
Les secteurs qui seront affectés par une révision du salaire minimum :
- PME
- Construction
- Tourisme
- Textile
- Agriculture
- Le commerce en gros et de détail
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Le contexte actuel est-il favorable aux entreprises pour une révision à la hausse du salaire minimum ?
Je répondrai par l’affirmatif, mais on ne peut généraliser. Cela dépendra en fait sur la capacité de payer de chaque société. Cependant, toute imposition d’une hausse du salaire minimum sera défavorable aux entreprises qui sont en difficulté. Inversement, si cette mesure est introduite sous forme de proposition, ce sera mieux. Il faut tenir compte du fait que les salaires prennent l’ascenseur dans certains secteurs, faute de talent sur le marché. Dans certains secteurs, la rémunération est d’ores et déjà supérieure au salaire minimum.
Le salaire minimum se chiffre présentement à Rs 11 075. Quel pourrait être l’impact d’une éventuelle augmentation sur les entreprises ?
Plusieurs entreprises sont toujours en difficulté, surtout les PME. Celles-ci font face à des problèmes de trésorerie, alors que d’autres sont endettées. Comment se permettre de répondre à une hausse du salaire minimum dans de telles conditions ? Sans la capacité de payer, cela risque de déboucher sur des pertes d’emploi. Il convient de faire ressortir que certaines entreprises se remettent graduellement depuis la réouverture des frontières. La véritable reprise à 100 % n’est, pour l’heure, pas d’actualité.
Au-delà du fait que certains emplois pourraient être menacés, doit-on s’attendre à ce que les entreprises revoient leur politique de recrutement ?
En effet, certaines entreprises pourraient revoir leur politique de recrutement. Cela peut se traduire par le gel du recrutement ou une réduction du nombre de personnes à embaucher. La posture à adopter serait alors de remplir une partie uniquement des postes vacants. Il est de ce fait important de venir de l’avant avec une mesure bien réfléchie quant à toute révision du salaire minimum.
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