Dev Luchmun, économiste et consultant en relations industrielles : «Le gouvernement doit revoir sa copie sur la CSG» | Défi Économie Aller au contenu principal

Dev Luchmun, économiste et consultant en relations industrielles : «Le gouvernement doit revoir sa copie sur la CSG»

Dev Luchmun

Les salariés du secteur privé ont payé un lourd tribut à la Covid-19, estime Dev Luchmun. Dans cet entretien, l’économiste et consultant en relations industrielles livre aussi son avis sur la Contribution Sociale Généralisée (CSG).

En tant que consultant en relations industrielles, quelle est votre analyse des relations industrielles à Maurice ?
Il est évident que les relations industrielles se trouvent actuellement dans une zone de turbulence. Un impact direct de la Covid-19 sur l’ensemble des secteurs économiques et comme c’est toujours le cas, ce sont particulièrement les salariés du secteur privé qui paient le prix fort avec des pertes d’emplois, réduction des salaires et pertes de certains droits acquis. C’est pour vous dire qu’il règne actuellement un climat d’incertitude dans le pays.

Un avenir économique incertain qui complique davantage la situation. N’est-ce-pas ?
Force est de constater que la situation économique qui était déjà au rouge avant le confinement s’est aggravée. Plusieurs secteurs, dont le tourisme, sont en difficulté. Certaines entreprises sont contraintes de procéder à des licenciements, bien que le gouvernement soit venu avec des mesures incitatives à travers la Covid (Miscellaneous provisions) Act pour les encourager à maintenir autant que possible les emplois. Avec la situation actuelle dans le monde, je crains fort qu’il n’y ait pas des perspectives d’emplois dans le court et moyen terme pour des Mauriciens à l’étranger d’autant plus que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy a lui-même évoqué que le taux de chômage a doublé aux USA et en France. Ce qui est en contradiction avec l’idée du ministre du Travail, Soodesh Callichurn, qui envisage des cours de formation pour permettre aux jeunes de trouver du travail à l’étranger. J’aurais préféré que les autorités prennent plutôt des mesures pour régler le problème d’inadéquation entre l’offre et la demande dans le monde du travail Il y a aussi le fait que le niveau de nos réserves en devises étrangères est en baisse. Je ne joue pas au prophète de malheur mais je crains que le pire soit devant nous. J’attire l’attention sur le fait que le ministre des Finances a parlé d’une contraction économique de 13 % pour 2020. Ce qui n’est pas pour arranger les choses. C’est d’autant plus inquiétant que le dernier Budget a été financé en majeur partie par les réserves de la Banque de Maurice.

Et ce sont surtout les salariés du secteur privé qui paieront le prix fort d’un éventuel cataclysme économique…
C’est partout pareil dans le monde. Il suffit de suivre ce qui se passe sur le plan international pour le comprendre. Prions pour que le pays ne soit pas frappé par une seconde vague de la Covid-19 car un nouveau confinement sera catastrophique pour le pays. Comparé aux fonctionnaires, les salariés du secteur privé ont payé un lourd tribut à la Covid-19. On parle même de l’appauvrissement de la classe moyenne.

Une situation qui risque d’impacter gravement sur le social…
Des signes d’un mécontentement populaire sont déjà visibles et le gouvernement doit au plus vite prendre des mesures pour assainir la situation avant qu’il ne soit trop tard. Il doit renouveler le dialogue avec la classe syndicale et la société civile comme prônée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT)

Pour en revenir aux relations industrielles, il y a aussi la Contribution Sociale Généralisée (CSG), qui suscite actuellement une polémique tant au niveau patronal que chez les syndicats…
J’estime que la CSG est discriminatoire dans sa forme actuelle. Toute réforme devrait en principe améliorer une situation existante, or ce n’est pas le cas avec la CSG. Je souhaite que le gouvernement revoie sa copie.

Mais une réforme du Fonds National de Pension était nécessaire…
Je le concède. Mais était-il nécessaire de démanteler le Fonds National de Pension où les employés du secteur privé ont contribué pendant des années ? Au lieu d’imposer la CSG, objet de tous les mécontentements, le gouvernement aurait pu venir avec une refonte en profondeur du Fonds National de Pension afin de garantir une pension contributive plus décente aux salariés du secteur privé à l’âge de la retraite. Cela dit, le gouvernement aurait dû abolir le plafond du Fonds National de Pension qui restreint la pension contributive à un certain niveau. En ce faisant, le gouvernement aurait eu le mérite de réduire le fossé entre la pension des fonctionnaires et celle des salariés du secteur privé. J’espère bien me tromper en disant que la CSG est le précurseur du démantèlement de l’État providence qui est à la base même du progrès social dans le pays. Il est à craindre qu’à travers la CSG, les Mauriciens contribuent désormais pour leur pension de vieillesse.

Vous craignez le pire pour le pays ?
Oui, tant au niveau de l’économie que pour l’avenir des travailleurs, en particulier ceux du secteur privé.