Cinq décennies d’évolution économique : la création de divers secteurs | Défi Économie Aller au contenu principal

Cinq décennies d’évolution économique : la création de divers secteurs

Canne à sucre
La canne à sucre a longtemps dominé notre économie.

Maurice a connu une transformation phénoménale durant cinq décennies depuis l’Indépendance. Le succès économique, ou le miracle mauricien, a été cité dans des nombreux rapports internationaux. De la canne à sucre à la Fintech ou la robotique, notre pays a pu et su diversifier son économie au fil des derniers 50 ans. Le Défi Economie revient sur cette évolution.

En 1968, le pays ne connait qu’un seul secteur économique majeur : le sucre. Maurice avait un taux de chômage élevé et la balance de paiements était nettement déficitaire. Quelques années auparavant, le prix Nobel de l’économie, James Meade, avait prédit que Maurice était un pays voué à l’échec. Mais les grands visionnaires mauriciens de l’époque lui ont prouvé le contraire.

Depuis, l’économie mauricienne s’est grandement diversifiée durant plus de 50 ans.  D’un côté, nous avons des entreprises traditionnelles fermement ancrées. De l’autre, il y a de nouveaux entrepreneurs avec des idées innovantes qui réussissent à persévérer. Chaque décennie a vu un ou plusieurs secteurs émerger.

Années 60 : le sucre domine

C’est la canne à sucre qui domine l’économie. C’était le principal produit d’exportation et l’industrie qui employait le plus de personnes à plusieurs niveaux.

Années 70 : le manufacturier décolle

Au début des années 70, le Premier ministre (PM) d’alors, Sir Seewoosagur Ramgoolam, lança le plan ‘Import Substitution industries’ afin d’encourager les entrepreneurs locaux à produire à Maurice ce que nous importons.  Soit des 'Made in Mauritius’ comme les savonnette, dentifrice, boissons gazeuses, peinture, gants et bottes. Le manufacturier devient le deuxième secteur important après le sucre.

Années 80 : textile et tourisme font bon ménage

Après une solide assise manufacturière, c’était au tour du textile de prendre son envol. Même si le textile avait déjà fait son entrée depuis une décennie, c’est dans les années 80 qu’il a connu un développement important avec l’arrivée des investisseurs hongkongais, singapouriens, indiens et pakistanais.

Les mesures fiscales et incitatives, introduites par le PM d’alors, Sir Anerood Jugnauth, transformèrent le secteur à tel point que l’Export Processing  Zone (EPZ), employait jusqu’à 85,000 personnes dont des femmes pour la plupart.

En parallèle, le tourisme se développa et les hôtels commencèrent à exploiter nos belles plages. L'île Maurice comptait environ 70,000 visiteurs en 1970 alors qu’aujourd’hui , nous avons déjà dépassé la barre de 1,3 million. Le tourisme devient le troisième pilier derrière le textile et le sucre alors que le secteur manufacturier non-textile continue sur sa lancée.

Années 90 : les services financiers et le port franc

Le secteur des services prend son envol, y compris les services financiers. La Bourse de Maurice est lancée en 1988 et l’offshore banking démarre en 1989. Cette décennie a vu l’avènement du Global Business et l’émancipation des banques et des assurances.  La Financial Services Commission voit le jour en 2001. Cette décennie assiste aussi à l’ascension du port franc avec la création de la Mauritius Freeport Authority où Gérard Sanspeur était la cheville ouvrière.

Années 2000 : la technologie informatique et le seafood

La technologie informatique devient un secteur phare, avec l’avènement de la cyber-cité d’Ébène, pendant le règne de Sir Anerood Jugnauth. Ce secteur emploie aujourd’hui plus de 25 000 personnes. En novembre 2003, le PM d’alors, Paul Bérenger, s’engage à faire de Maurice un « Seafood Hub » de renommée mondiale.

Les activités concernent le transbordement, l’entreposage, la manutention, la transformation et la réexportation de poissons frais et surgelés et des activités à valeur ajoutée pour les produits de la mer.  

L'immobilier émerge comme une source d’investissements étrangers massifs avec le lancement en 2002 de l’Integrated Resorts Scheme destiné aux acquéreurs immobiliers étrangers.

A la fin des années 2000, le PM d’alors, Navin Ramgoolam et son ministre des Finances Rama Sithanen, introduisent le Real Estate Scheme pour encourager les étrangers à acquérir une villa de luxe à Maurice.
D’autres mesures incitatives dopent le développement des zones économiques, ‘shopping malls’, ‘business parks’ et complexes bureaux. En plus, le secteur de l’énergie renouvelable et la biotechnologie connaissent un véritable essor pendant cette décennie.

Années 2010 : l’immobilier et les Hubs

Pendant cette décennie, on parle beaucoup de Knowledge Hub, de Medical Hub, d’industrie cinématographique mais elle voit l’ascension fulgurante du secteur immobilier qui s'attire la part du lion des investissements directs étrangers t avec l’avènement des Smart Cities qui furent le clou du premier Budget du nouveau gouvernement élu en 2014 sous le tandem SAJ/ Lutchmeenaraidoo.

2020 : la nouvelle orientation

Pour post-2020, on parle toujours de la biotechnologie mais aussi de la Fintech, du Shipping Hub, de la robotique et des arts créatifs, entre autres. Cette nouvelle décennie est marquée par le plébiscite de Pravind Jugnauth, le successeur de son père.

Elle verra aussi l’expansion du Metro Express et la transformation infrastructurelle du pays avec de nouvelles routes, échangeurs, hôpitaux, gares, agrandissement du port et de l’aéroport, etc. Maurice veut aussi saisir les opportunités régionales, à travers l’Africa Strategy. Les jalons ont déjà été jetés pour les zones économiques outremer. Que ce soit Côte d’Ivoire, Sénégal, Ghana, Kenya, Mozambique ou Madagascar. La diplomatie économique est également de mise. Le discours programme 2020-2024, lu en janvier dernier, trace la nouvelle voie socioéconomique du pays.


Post-2000: l’ouverture de l’économie

« Mauritius opens to the world ». C’est le slogan adopté en 2006 pour démontrer que le pays veut résolument s’ouvrir davantage au monde. Ainsi, les procédures pour octroyer des permis de résidence aux étrangers sont simplifiées, notamment à travers l’introduction de l’Occupation Permit. Depuis, les investissements étrangers pleuvent, le nombre d’expatriés augmente drastiquement et cela a une incidence sur la création d’emploi. Tout récemment, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy a déclaré que l’ouverture de l’économie est propice à la croissance.

Indicateurs 1970-2019

Year 1970 1980 1990 2000 2010 2019
Croissance (%) N/A -10,1 7,3 9,3 4,2 3,6
Inflation (%) 1,5 42 13,5 4,2 2,9 0,8
Chômage (%) - 21 2,8 6,5 7,6 6,7

Les ‘Game Changers’ mauriciens

Dans les années 60, c’est Antoine Seeyave qui est le pionnier de l’industrie alimentaire. José Poncini, de son coté, met sur pied la première usine de bijouterie à Maurice, suivie quelques années après d’Ahmad Goburdhun, le patron de l’enseigne Bijouchic, et la famille Chakowa qui lance Mikado. Dans les années 70, Amédée Maingard devient l’un des visionnaires de l’industrie du tourisme alors que François Darné est le fondateur de la première clinique privée de l’île.

Les années 70-80 voient Sir Deo Dookun émerger comme un pionnier du manufacturier alors que François de Grivel installe un ‘hub’ à Goodlands, spécialisé dans l’assemblage manufacturier et l’ingénierie légère. Dix ans après, Uday Gujadhur effectue les premières ‘deals’ du nouveau secteur offshore alors que l’homme d’affaires, Aslam Kathrada, devint le premier opérateur du tout nouveau secteur du port franc. A l’aube des années 2000, c’est Vidya Mooneegan qui est derrière le succès de la première compagnie BPO à Maurice. Aujourd’hui, Ceridian, un fleuron du secteur ICT/BPO local et dirigé par le même Vidya Mooneegan, vient de célébrer ses 20 ans. A la même époque, le capitaine Yves Bétuel est un des pionniers de notre Seafood.


Ganessen Chinappen : « La révolution industrielle 4.0 est déjà là »

L’économiste, Ganessen Chinappen, se dit confiant que Maurice a la capacité de réaliser un progrès économique à un rythme plus avancé que celui des derniers 50 ans. Cependant, il estime que l’environnement de demain sera diffèrent et que nous devrons, comme disent les grands économistes, ‘unlearn et relearn’. « Il faudra s’adapter aux changements. Dans le futur, il y aura plus d’automation et la clé de notre réussite se trouve dans l’innovation constante. » Selon lui, nous avons la capacité mais il faut aussi de la volonté et le plus grand défi réside dans l’implémentation des idées.

« Prenons l’exemple de l’état océan. Nous savons ce qu’il faut faire mais nous n’avons peut-être pas les compétences. Ainsi, nous pourrons solliciter l’aide des pays qui ont déjà réussi dans ce genre de projet, à l’instar de l’Australie. » L’économiste conclut que la révolution industrielle 4.0 est déjà là.