Elles ont souffert de discrimination : la revanche des femmes dans le monde du travail | Défi Économie Aller au contenu principal

Elles ont souffert de discrimination : la revanche des femmes dans le monde du travail

Femme
C’est difficile de gravir les échelons quand on est une femme, même si on dédie son âme au travail.

Elles ont fait face à des discriminations sur leur lieu de travail parce qu’elles sont des femmes mais, malgré tout, elles ont pu surmonter les obstacles et s’imposer. Rencontre avec ces femmes qui cartonnent professionnellement aujourd’hui.

« La chance de porter le chapeau d’une chef d’entreprise n’aurait jamais été possible si je n’avais pas créé ma propre boîte », dit Nisha Bhakhareea, directrice de Go Digital Print Services Ltd. En effet, après avoir travaillé dans plusieurs entreprises, elle s’est mise à son propre compte. « Je dois dire que je suis passée par des moments difficiles, surtout à l’égard des autres collègues, que ce soit les hommes ou les femmes. C’est difficile de gravir les échelons même si on dédie son âme au travail. Je pense que la source du problème est dans la culture mauricienne. Certains ne peuvent pas digérer les succès des autres », déplore-t-elle.

Pour elle, une chose est sûre : même si une femme arrive à se faire une place dans le conseil d’administration, la possibilité d’occuper le siège du CEO est minime. Aujourd’hui, elle se dit fière d’être à la tête d’une entreprise qui est spécialisée dans l’imprimerie. « Nous sommes à six employées dans la compagnie, et nous travaillons comme une équipe soudée », se réjouit notre interlocutrice.

C’est le même son de cloche du côté d’Aisha Allee qui est la fondatrice et présidente de Blast BCW. « Mon début dans le monde du travail était très laborieux et souvent, je me retrouvais avec des gens qui vous prennent de haut. Mais je suis persévérante et je suis heureuse que ça se soit passé ainsi. Je réalise qu’on sous-estime trop les femmes », dit-elle. Aujourd’hui, son entreprise est parmi les leaders dans le domaine de la communication. Elle était aussi la première femme à décrocher le titre de L’Entrepreneur de l’Année - l’AfrAsia Tecoma Award en 2014.  

Vanesha Shaw est la directrice de Client Services du groupe Grand Luxury Hotels. « J’ai débuté ma carrière très jeune après la HSC. J’ai commencé en tant que Reservation Officer à l’hôtel Paradise Cove et ça a été le déclencheur de ma passion de l’hôtellerie et du service client. Ce que je trouve cependant très dommage, surtout à Maurice, c’est que le métier est très mal perçu au sein de la société car il a été toujours réservé aux hommes », dit-elle. Pour elle, chaque femme aujourd’hui a sa place au sein de cette société, quel que soit le métier choisi. « Il est temps qu’on soit plus solidaire envers nos semblables. Il faut se dire que chaque situation a sa raison d’être. Il ne faut jamais baisser les bras », affirme la directrice.


Femmes au sein des conseils d’administration : de 5,6% en 2014 à 8,7% en 2019

Le Mauritius Institute of Directors (MIoD), en association avec Korn Ferry, a publié son dernier rapport sur la rémunération des directeurs l’année dernière. Le rapport analyse les données de 53 entreprises, représentant 523 postes d’administrateurs à Maurice dans un large éventail de secteurs industriels - dont 25 des 50 meilleures entreprises à Maurice. Selon le rapport, la présence de femmes dans les conseils d’administration et sous-comités reste rare : seulement 10,1% des 523 postes de direction sont occupés par des femmes. Au niveau du conseil, seules deux femmes sont présidentes dans l’échantillon de l’enquête.

Par ailleurs, seulement 8,7 % des membres du conseil d’administration sont des femmes. Il faut cependant noter que cela a considérablement augmenté depuis la précédente étude menée en 2014 qui constatait que seulement 5,6% de femmes étaient présentes au niveau des conseils d’administration.


Difficultés d’embauche pour les femmes ayant un handicap

Nalini Ramasamy

Il est encore plus dur pour les femmes de s’imposer dans le monde du travail si elles souffrent d’un handicap. C’est le cas de Nalini Ramasamy, 50 ans, une ancienne hôtesse de l’air. Après une terrible chute en 1992, sa vie bascule. Elle est grièvement blessée à la colonne vertébrale. Depuis, elle est devenue handicapée mais, courageuse de nature, elle ne voulait pas rester les bras croisés. Même si Nalini Ramasamy se déplace avec difficulté, elle a décidé de militer pour les personnes autrement capables à travers une ONG, Women with Disabilities. Larmes aux yeux, la trésorière de cette organisation nous confie : « Il y a des obstacles qui sont présents dans la vie d’une personne autrement capable. On est souvent discriminé non seulement au niveau des infrastructures publiques mais aussi au niveau des services clients et de la mentalité du public à l’égard des personnes avec un handicap ».

Elle cite plusieurs exemples pour illustrer les problèmes des personnes ayant un handicap à Maurice. En l’occurrence, l’accès aux services de santé dans les hôpitaux, voire dans les cliniques privées, n’est pas handicap friendly. Par exemple, une personne avec un handicap physique peut péniblement faire une mammographie puisqu’il faut se tenir debout, reproche Nalini Ramasamy.

Bien que le Training and Employment of Disabled Persons Act de 1996 impose aux entreprises employant plus de 35 personnes de réserver un quota de 3 % aux handicapés, plusieurs personnes comme moi ont des difficultés à trouver un emploi à temps partiel, se désole-t-elle. Jusqu’à présent, elle est toujours à la recherche d’un emploi.


Linda Mamet, CEO par intÉrim du MIOD L « Il faut au moins 30% de femmes dans les conseils d’administration »

Linda Mamet

Mis en place par le MIoD en 2016, le Women Forum a pour objectif d’identifier les moyens qui favoriseraient l’augmentation du nombre de femmes occupant des postes de direction dans les organisations mauriciennes, publiques et privées, et d’assurer une représentation équitable des genres. « En nous basant sur le dernier rapport, nous avons suggéré qu’il devrait y avoir au moins 30 % de femmes dans les conseils d’administration et que la diversité devrait être encouragée », dit Linda Mamet.


Jane Ragoo, syndicaliste : « La discrimination serait dans la loi du travail »

Jane Ragoo

Engagée dans le monde syndical, Jane Ragoo observe qu’il y a une évolution dans le monde du travail. Elle trouve dommage qu’il y a encore des femmes qui touchent, pour un travail équivalent, un salaire inférieur à leurs collègues masculins. Elle souligne que cette disparité est une réalité dans les secteurs de la construction, la production de sel et de thé, bien que les femmes fassent les mêmes tâches. Plusieurs facteurs expliquent cette discrimination dans l’écart des salaires. « La discrimination serait dans la loi du travail. Une femme qui postule à un poste considéré comme masculin a moins de chances d’être embauchée », déplore-t-elle. Et d’ajouter que « dans le secteur de la construction, plusieurs compagnies préfèrent recruter des hommes car dans le monde du travail, la femme est perçue comme physiquement faible. Les femmes sont peu valorisées et mal payées. »


Dev Ramano, avocat : « Il faut changer le mindset »

Dev Ramano

Dev Ramano, avocat qui s’occupe surtout des cas ayant trait à l’emploi et aux relations industrielles, souligne que « bien que la loi prévoie l’égalité dans le monde du travail, une femme qui postule à un emploi considéré comme typiquement masculin, a moins de chances d’être recrutée. Bien qu’elle ait les compétences requises et que sa qualification soit égale à celle d’un homme, elle fait face à des préjudices et discriminations dans le monde du travail ».

Chaque année, surviennent plusieurs cas tels que des harcèlements sexuels au sein de l’entreprise. Pour lutter contre la persistance des inégalités, il faut changer le mindset, suggère-t-il. Selon lui, la lutte pour l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans le travail est un combat continuel.

Le saviez-vous ?
L’origine de la Journée de la femme remonte au 28 février 1909 aux états-Unis. Le but était de lutter pour de meilleures conditions de travail et l’égalité entre hommes et femmes.

En chiffres… Emploi

Nombre d’employés Troisième trimestre 2018 Troisième trimestre 2019
Hommes  333 900 339 100
Femmes 202 900 206 600

En chiffres… Chômage

Nombre de chômeurs Troisième trimestre 2018 Troisième trimestre 2019
Hommes  15 800 15 500
Femmes  24 000 23 800

Source : Statistics Mauritius