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Croissance : le Coronavirus bouleverse le dynamisme économique

Coronavirus
L'OCDE recommande que les gouvernements soient préparés à agir de manière plus forte si l’économie se détériore davantage.

C’était bien parti pour le nouveau miracle économique, après la lecture du discours-programme en janvier dernier. Mais le    Coronavirus est venu jouer aux trouble-fêtes. L'économie mondiale fait face à son plus grand danger depuis la crise financière. Toutefois, rien n’est perdu, si le gouvernement arrive à prendre les mesures nécessaires pour rendre l’économie résiliente, bien que protéger la population demeure la plus grande priorité.

La croissance du PIB mondial devrait en conséquence baisser globalement à 2,4 % en 2020.

L’épidémie de Coronavirus (COVID-19) est déjà la cause de perturbations économiques majeures à travers le monde et Maurice n’est pas épargné. La contraction de la production en Chine a eu des effets dans le monde entier, affectant surtout les chaînes d’approvisionnement et le tourisme. La croissance du PIB mondial devrait en conséquence baisser globalement à 2,4 % en 2020, en partant du chiffre déjà faible de
2,9 % enregistré en 2019, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’organisation prévoit même une croissance négative au premier trimestre de 2020.

Les observateurs internationaux pensent que le Covid-19 aura un impact économique plus fort que celui du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), en 2003. La Chine, très intégrée dans l'économie mondiale, est aussi un importateur majeur de produits de base. La fermeture des usines en Chine, le coup d'arrêt donné aux voyages de ressortissants chinois, tout cela va se faire durement sentir globalement. L’OCDE recommande que les gouvernements soient préparés à agir de manière plus forte si l’économie se détériore davantage. L’organisme préconise d’accroître les ressources du secteur de la santé et d’intensifier les transferts  monétaires temporaires vers les ménages vulnérables.

L’économiste Kevin Teeroovengadum rappelle que le Coronavirus continue à se propager et a dépassé les côtes de la Chine pour se retrouver maintenant en Europe, au Moyen-Orient et même aux États-Unis et le nombre de cas à ce jour approche la barre des 100 000. Le souci est que nous n'avons pas encore vu ralentir la propagation. « Ainsi, cette situation met la pression sur beaucoup de facteurs, y compris le chômage forcé, la baisse de productivité, la perturbation des chaînes d'approvisionnement, une diminution des voyages, la contraction du commerce et des investissements. Un certain nombre d'événements majeurs comme les foires ou les conférences ont été annulés. Dans certains pays, ils ont commencé à appliquer des couvre-feux dans des régions ou des villes spécifiques. »

Il nous rappelle aussi la chute brutale des principales bourses et la baisse des prix du pétrole, du gaz et des matières premières. « Un certain nombre d'analystes réputés des États-Unis ont rétrogradé la possibilité d'une reprise économique mondiale en forme de V à une forme en L », relate-t-il. Il y a très peu d'espoir d'un rebond économique mondial, en 2020, et l'idée que cette épidémie soit un choc négatif de courte durée pour la demande mondiale semble désormais irréaliste. Alors qu'il y a deux semaines, le FMI prévoyait une réduction de 0,1 % de la croissance économique mondiale, il semble maintenant que nous soyons tombés à potentiellement 0,5 %. Oxford Economics a estimé que cette crise pourrait effacer plus de 1 trillion de dollars américains du PIB mondial. « Pour mettre cela en perspective, cela représente environ 75 fois, le PIB annuel de Maurice ! C'est un ralentissement assez important à ce stade. »

Comment réagiront les banques centrales ?

Bien que les baisses de taux n'arrêteront pas le Coronavirus, les banquiers centraux prennent la crise au sérieux, afin de stabiliser les marchés financiers. Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a déjà reconnu que le Coronavirus présente des risques évolutifs pour l'économie américaine et a promis que la banque centrale américaine agirait de manière appropriée pour soutenir la croissance. C'est déjà le signe d'une baisse potentielle des taux aux États-Unis. Sachant que le taux est actuellement à 1,75 %, il est question d'une baisse potentielle de 0,25 % à 0,5 %. En Europe, où les taux sont déjà bas et négatifs, il est plus problématique d'y effectuer une nouvelle baisse de taux et même s'ils optent pour une baisse, l'impact seul serait inefficace. Le ministre Français des Finances, Bruno Le Maire a déjà mentionné que la politique monétaire via des baisses de taux ne fonctionnera pas et que le gouvernement aura donc recours à un plan de relance budgétaire. C'est le moment de trouver des solutions prêtes à l'emploi.


Arvind Nilmadhub : « Le gouvernement doit présenter un Rescue Plan »

Arvind NilmadhubL’économiste Arvind Nilmadhub estime que le monde des affaires ne peut attendre le Budget, en juin, pour savoir quelles nouvelles mesures le gouvernement compte prendre pour soulager les entreprises affectées par la menace du Coronavirus. Il est primordial que le ministre des Finances vienne avec un ‘Rescue Plan’, avant fin mars pour annoncer des mesures spécifiquement liées à l’impact du Coronavirus sur différents secteurs de l’économie, surtout le tourisme, afin de limiter les dégâts.

« Les entrepreneurs sont dans l’incertitude quant à l’impact réel sur leurs secteurs respectifs. Il faut être proactif. Des mesures intérimaires s’imposent avant que la situation devienne critique », dit l’économiste, qui suggère un ‘Stimulus package’ élaboré, précis et efficace pour les secteurs affectés. Il propose, par exemple, la suppression de certains frais de licence, la suspension des pénalités, surtout concernant le fisc, et des nouvelles incitations fiscales et autres. « Il faut surtout prévenir des pertes d’emplois. »


Les sept propositions de l’économiste Kevin Teeroovengadum

Kevin TeeroovengadumL’économiste Kevin Teeroovengadum explique que plusieurs secteurs de notre économie ont déjà commencé à ressentir l'impact du Coronavirus. Et ce n'est pas limité à l'hôtellerie. Cela concerne d’autres secteurs, car l'impact sera ressenti par toutes les chaînes de valeur. Il estime que le gouvernement doit traiter la situation en urgence. Il fait une série de recommandations :

  • Le gouvernement devrait communiquer à la population, la situation réelle de l'économie et l'impact du Coronavirus. Les gens doivent comprendre qu'il s'agit d'un problème grave, non seulement, pour la santé publique, mais aussi pour l'économie et nous ne devrions pas le prendre à la légère.
  • Il faut mettre sur pied une ‘Task Force’ secteurs public/privé avec des réunions deux fois par semaine pour des échanges d’informations. Il est important que le gouvernement obtienne des données réelles sur la situation sur le terrain auprès du secteur privé. Et ici, je plaide pour que les principaux PDG de chaque secteur de l'économie aient des évaluations et des discussions en table ronde avec les ministères respectifs ainsi qu'avec le ministre des Finances et le Premier ministre. C'est le moment pour que tout le monde se rallie !
  • La Banque de Maurice devra très probablement prendre une décision de baisser les taux, ou au moins donner une indication de ce qu'elle fera.
  • Le gouvernement devra fournir un plan de relance budgétaire à des secteurs spécifiques. Comme en Europe, seule la politique monétaire ne fonctionnera pas. Nous avons besoin d’un fusil de chasse à double canon qui comprend des politiques monétaires et fiscales.
  • Le gouvernement devrait maintenant activer l’octroi de tous les permis et licences nécessaires qui prennent du temps, à la fois pour le secteur privé local et, surtout, pour les investisseurs étrangers. Il y a un certain nombre d'investisseurs étrangers qui attendent depuis trop longtemps et le moment est venu pour le gouvernement de passer à l'action.
  • Lançons le ‘Big Bang’ dans l'innovation. Nous parlons depuis trop longtemps pour attirer des investissements dans les secteurs du savoir et de l'innovation.
  • Le gouvernement devrait faciliter les investissements dans les ‘Import Substitution Industries’, par exemple, dans l'agriculture et l'agroalimentaire. Nous ne pouvons pas continuer avec le modèle actuel où nos importations sont en constante augmentation, chaque année.