Brexit-coronavirus : double impact sur la croissance | Défi Économie Aller au contenu principal

Brexit-coronavirus : double impact sur la croissance

Photo Source: coindesk.com

Maurice, qui aspirait à une croissance plus élevée cette année, devra prendre son mal en patience. Car, le Brexit et le coronavirus risquent d’affaiblir notre économie, craignent des économistes.

L’impact du Brexit et du coronavirus

Pierre Dinan : « Compte tenu du Brexit et du coronavirus, il y a de forts risques que nous ne ferions pas mieux en 2020. Maurice, en tant qu’économie très ouverte au niveau international, va devoir subir les conséquences de ces menaces internationales. »

Pramode Jaddoo : « Quand le monde éternue, Maurice s’enrhume. Nous sommes affectés par la chute de la livre sterling dans le sillage du Brexit. Idem pour ce qui est du coronavirus. La Chine est un de nos partenaires privilégiés, surtout en termes d’importation. Nous allons devoir chercher d’autres sources d’approvisionnement qui peuvent être plus chères. Cela risque alors d’affecter la consommation si les produits sont plus chers. Tout cela influera sur le taux de croissance. »

Azad Jeetun : « Plusieurs projets ont donné un élan à l’économie. C’est d’ailleurs visible depuis janvier avec le nombre d’embauches publiés dans les journaux. Ce qui est un bon signe. Toutefois, des incertitudes subsistent avec le Brexit et le coronavirus. Nous sommes à l’abri du coronavirus, mais on ne sait jamais. Quoi qu’il en soit, cette épidémie aura un impact sur l’industrie du voyage et l’effet se fera surtout ressentir sur le tourisme et, par ricochet, sur notre croissance. »

Le taux de croissance attendu cette année

Azad Jeetun : « Nous n’avons même pas eu un taux de croissance de 3,9 % l’an dernier (Ndlr : le pays a enregistré une croissance de 3,6 % en 2019). On n’atteindra pas les 4 % cette année. Il est, toutefois, encore trop tôt pour se prononcer, mais tout dépendra de la performance du tourisme, de la zone franche et de l’industrie sucrière. »

Pierre Dinan : « Malgré les travaux d’infrastructures, nous n'avons réalisé que 3,6 % de croissance en 2019. Les travaux qui se poursuivent continueront à avoir un impact sur notre croissance. Toutefois, ce sont nos industries d’exportation (tourisme, secteur manufacturier, industrie sucrière) qui pourront impacter notre économie de manière durable. »

Pramode Jaddoo : « Les 4 % ne seront pas atteints  cette année. Nous devons rattraper le retard encouru pendant la période des élections. »

Revoir la stratégie de plusieurs secteurs productifs

Pramode Jaddoo : « Pour renverser la tendance, il faudra revoir la stratégie de plusieurs secteurs productifs (industrie cannière, le tourisme, le secteur manufacturier) à travers des mesures concrètes sur le court et le long termes. Nous devons aussi accélérer le développement des secteurs émergents tels que l’économie bleue. Il faudra parallèlement revoir la productivité et la compétitivité de Maurice. »

Azad Jeetun : « Nous devons produire plus pour pouvoir exporter plus. Notre principal défi sera d’améliorer la compétitivité et la productivité de nos secteurs d’exportation à travers des mesures concrètes. Dans le discours-programme, on parle de la consolidation de nos secteurs-clés qu’il faudra concrétiser. »

Pierre Dinan : « Il faudra utiliser toutes nos ressources de manière optimale. D’abord, notre espace terrien. L’industrie sucrière est en difficulté parce qu’elle n’arrive pas à vendre du sucre à un prix rémunérateur par rapport à son coût de production. D’où le fait que certains abandonnent leur terre qui est une ressource qu’on peut utiliser pour produire de la canne, notamment de la mélasse ou pour produire des fruits et légumes pour la population, les touristes et pour l’exportation. Ensuite, il y a notre espace marin où il est essentiel de développer des stratégies de développement. C’est ce qui va faire monter d’un cran notre croissance.

En troisième lieu, il y a notre population bigarrée et métissée. Une population qui a fait ses preuves quand l’économie a pris son envol dans les années 80 pour passer d’une économie mono-agricole à une économie diversifiée. Notre population a-t-elle encore ce désir de vouloir innover et trouver de nouvelles débouchées ? Or, il y a le paramètre économique qu’est le taux de consommation qui donne l’impression que ce n’est pas tout à fait le point de vue de la population en général. Sur la valeur ajoutée de notre économie annuelle, la consommation est de 90 % et il ne reste que 10 % pour investir. Cela donne une indication du manque d’énergie de notre population à investir et à trouver de nouveaux créneaux. Or, si nous inversons cette tendance, cela entraînera une croissance plus élevée. »


Dans le pire des scénarios : Le coronavirus grignotera 0,1 % point de croissance, selon AXYS Stockbroking

Bhavik Desai, Head of Research chez AXYS Stockbroking.
Bhavik Desai, Head of Research chez AXYS Stockbroking.

AXYS Stockbroking, branche du groupe financier AXYS, tire la sonnette d’alarme. L'épidémie de coronavirus n’est pas sans conséquences sur l'économie locale, indique la firme dans un rapport publié sur le sujet. Pour Bhavik Desai, Head of Research chez AXYS Stockbroking, la pandémie affectera principalement le secteur touristique mauricien dans les mois à venir, avec une baisse potentielle des recettes des arrivées de touristes chinois d’environ 1 à 2 % en 2020 par rapport à l’an passé. « Ce qui devrait coûter à l'économie locale autour de 0,1% point de croissance, mais ceci est “le pire des scénarios ». En réalité, l’impact sera moindre, bien que les opérateurs et les hôteliers avec une forte clientèle chinoise devraient ressentir une constriction dans les prochains mois », précise Bhavik Desai.

En ce qui concerne l’export, les échanges commerciaux avec la Chine ne sont pas suffisamment conséquents (2% du volume national) pour véritablement bouleverser le secteur, y indique-t-on. Toutefois, affirme le Head of Research, les importations de produits venant de Chine et excluant les carburants et la nourriture ont augmenté de 17% à 27% durant la dernière décennie.

« Si nous assumons que les disruptions des échanges ne durent pas plus qu’un trimestre et que nous ne trouvions pas d’autre sources d’importation, nous pourrions nous attendre à une baisse d’environ 3% des importations annuels, dans le pire des cas », est-il écrit dans le rapport.

Prenant tout cela et d’autres facteurs macro-économiques en compte, AXYS Stockbroking estime que l’inflation nationale devrait passer d’un taux de 0,4% en 2019 à 2,5% d’ici la fin de l'année, à cause de nombreux facteurs, comme des importations plus coûteuses qui engendreront une inflation plus élevée.