Daniel Essoo : «Trouver les ressources humaines est un gros défi» | Défi Économie Aller au contenu principal

Daniel Essoo : «Trouver les ressources humaines est un gros défi»

Daniel Essoo
Daniel Essoo, CEO de la Mauritius Bankers Association (MBA)

Cette année, les banques ont mis en chantier des projets de développement qui requièrent des compétences de pointe. C’est ce que fait ressortir Daniel Essoo de la Mauritius Bankers Association (MBA). Toutefois, dit-il, trouver des professionnels avec l’expérience dans des créneaux qui n’existent pas encore à Maurice est difficile. Le CEO fait un tour d’horizon du secteur bancaire à Maurice.

« Le secteur bancaire passe par énormément de transformations, essentiellement digitales »

Comment se porte le secteur bancaire actuellement ?
De manière générale, les banques affichent la santé. Le ratio d’adéquation des fonds propres a augmenté de 18,4 % en décembre 2018 à 19,2 % en juin 2019, soit bien au-dessus du minimum de 11,875 %. Pendant la même période, la part des prêts non-performants est passée de 4,6 % à 4,0 % des prêts pour le marché local, et de 5,9 % à 5,5 % si l’on inclut les prêts transfrontaliers. En somme, elles sont bien capitalisées et leurs prêts augmentent en qualité.

Les banques sont de plus en plus nombreuses à proposer des services numériques à leurs clients. Qu’est-ce qui explique ce besoin ?
La digitalisation est un phénomène qui a intégré le secteur bancaire mondialement, surtout avec les attentes et exigences changeantes des consommateurs. Auparavant, faire la queue au comptoir était une habitude des clients. Avec l’avènement du phénomène « smartphone », qui a accompagné la digitalisation des services bancaires, les consommateurs sont désormais en quête d’efficacité et de rapidité. Cette transformation fondamentale du secteur bancaire a pour but de faciliter les transactions, promouvoir la transparence et surtout améliorer l’expérience clientèle.

Les jours des banques traditionnelles sont-ils comptés à l’ère numérique ?
Il est clair que le statu quo n’est plus une option. Le secteur bancaire, comme évoqué, passe par énormément de transformations, essentiellement digitales. L’émergence d’acteurs non-bancaires et de la Fintech fait que les banques sont appelées à changer la façon dont elles présentent et opèrent leurs services.

À titre d’exemple, à la fin de 2018, 56 % des prêts logements aux États-Unis étaient octroyés par des institutions financières non-bancaires. Il est clair que la Fintech se développe rapidement – que ce soit pour les paiements, les ‘wallets’ ou pour le crédit aux particuliers et aux PME. Malgré cela, ce sont les banques qui retiennent la plus forte confiance des consommateurs, et qui restent à même de soutenir les clients institutionnels. Il faut aussi souligner qu’aux États-Unis, les prêteurs non-bancaires affichent des indices de risque plus élevés que les banques.

Le modèle bancaire devra certainement s’adapter, mais il faudra quand même compter avec les banques pendant quelques temps encore ! Il faut noter que les banques sont au cœur même des mécanismes internationaux de stabilité financière, l’absorption des chocs prudentiels, la prévention de l’évasion fiscale et le combat contre la criminalité financière. Et, de manière générale, le coût de l’emprunt auprès des banques est moins élevé qu’auprès des institutions financières non bancaires. Au contraire, cette concurrence forcera les banques à évoluer et à s’améliorer – à condition que les mêmes règles s’appliquent à tout le monde.

Cependant, les Mauriciens sont nombreux à déplorer que les banques pratiquent des frais « exorbitants ». Quels sont vos commentaires ?
Je ne pense pas que vous trouverez un pays au monde où les gens sont satisfaits des tarifs bancaires. La réalité est que le secteur bancaire local est hautement concurrentiel sur les taux et frais de services, et que la partie ‘retail banking’, qu’utilisent la plupart des Mauriciens, est la moins profitable d’une banque. Certaines banques réalisent même des pertes sur ce segment, malgré les frais actuels. Opérer une banque coûte très cher. Si les gens ne sont pas satisfaits des frais d’une banque, ils devront comparer le marché, ce qui n’est pas dans l’habitude des Mauriciens. Au niveau de l’association, nous travaillons étroitement avec la Banque de Maurice et l’Ombudsperson for Financial Services pour développer un environnement sain et plus compétitif. Aujourd’hui, les tarifs bancaires sont déterminés par chaque banque en toute indépendance, sur une base purement commerciale, et les banques sont sujettes aux lois très strictes sur la concurrence.

« Il y a de la place pour d’autres prestataires bancaires à Maurice »

Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a déclaré la semaine dernière qu’il faut attirer des banques internationales à s’implanter à Maurice. Partagez-vous le même avis ?
Il y a définitivement de la place pour d’autres prestataires bancaires à Maurice. Nous sommes un centre financier régional, idéalement positionné au carrefour entre l’Asie et l’Afrique, avec un réseau avantageux d’accords internationaux – ce qui fait que le marché potentiel y est immense. Au niveau de la MBA, nous favorisons la croissance du secteur et accueillons toutes les banques qui ont obtenu une licence de la Banque centrale.

Le dollar ne cesse d’apprécier vis-à-vis de la roupie mauricienne. Cette situation suscite-t-elle des inquiétudes ?
Dans la mesure où nous consommons principalement des produits importés et que nous importons aussi l’essence, une appréciation du dollar pourrait avoir des conséquences sur le coût de la vie, mais serait bénéfique pour nos exportations – un secteur créateur d’emploi et de chaînes de valeur qu’il nous faut activement soutenir. Notre politique monétaire est du ressort de la Banque de Maurice, et l’inflation est actuellement à un niveau historiquement bas.

Quels sont les défis que les banques doivent relever en 2020 ?
Un défi majeur est de trouver les ressources humaines pour soutenir le développement des banques. Ces dernières ont mis en chantier des projets de développement qui requièrent des compétences de pointe. Or, c'est difficile de trouver des professionnels avec l’expérience dans des créneaux qui n’existent pas encore à Maurice. Un gros travail reste à être abattu au niveau de la formation de la main-d’œuvre entrante et existante. Ensuite, les banques opèrent actuellement dans un contexte de faibles taux d’intérêt et de forte liquidité.

Quels sont les projets de la Mauritius Bankers Association cette année ?  
Dans les grandes lignes, nous participons activement à des exercices de consultation avec les autorités et nos partenaires du secteur privé sur le développement stratégique du secteur financier mauricien – notamment sur de nouveaux produits et de nouveaux marchés. Il faudra cette année poursuivre le travail de mis en œuvre du Blueprint sur les services financiers. Nous accentuons aussi notre communication avec le public et l’éducation financière. Enfin, nous avons des projets concernant la formation des professionnels du secteur bancaire. 2020 sera une année assez remplie pour nous.