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Discours-programme : un nouveau départ

Discours-programme

Le discours-programme prononcé par le Président de la République, vendredi dernier, a permis de mieux cerner les grandes lignes annoncées dans le manifeste électoral du gouvernement, l’année dernière. Mais les défis sont énormes. Le pays pourra-t-il enfin réaliser ses ambitions ?

Certains éléments du défunt projet ‘Maurice Île Durable’ refont surface.

Le discours-programme tant attendu a déjà livré ses secrets. Les défis sont énormes, mais le gouvernement est déterminé à les réaliser. L’objectif est plus que jamais de faire de Maurice une nation à hauts revenus. Mais cette-fois ci, l’emphase est mise sur le développement durable. Faits intéressants, par exemple, certains éléments du défunt projet « Maurice Île Durable’ refont surface. L’on note aussi une réelle volonté à aplanir les obstacles administratifs à l’entrepreneuriat. Le gouvernement prône une plus grande utilisation de l’outil informatique au sein du secteur public.

Pravind Jugnauth
Les défis sont énormes, mais le gouvernement est déterminé à les réaliser.

Mais le clou du discours demeure sans nul doute l’annonce de la création d’un ‘Economic Research and Planning Bureau’ au ministère des Finances pour s’assurer de l’implémentation du programme gouvernemental. Il y a aussi la création d’un ‘Economic Advisory Council’, dont le rôle sera de conseiller le gouvernement sur la politique économique. Et finalement la mise sur pied d’une ‘National Land Development Strategy’ pour une meilleure planification urbaine, en tenant surtout compte de l’aspect écologique.

Au niveau des secteurs économiques, le gouvernement compte revigorer les secteurs traditionnels comme le tourisme, le manufacturier ou encore l’agriculture. En revanche, il veut aussi promouvoir les secteurs émergents, comme la FinTech, la biotechnologie marine, l’état océan ou encore les industries créatives. Pour y arriver, le gouvernement compte apporter de nouvelles législations. En effet, une des principales causes de la lente progression de ces secteurs est bien l’absence de cadre légal approprié.

Cependant, certaines annonces interpellent. Le discours fait mention de la création d’un répertoire de biens fonciers, alors que nous avons déjà le projet LAVIMS, qui a coûté des centaines de millions de roupies. On parle encore du projet ‘Waste to Energy’, alors que de l’autre côté, on veut promouvoir l’environnement. Et on parle encore une fois de l’expansion du port, alors qu’en 2015, l’ancien ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo avait promis l’agrandissement du port de GRNW à Baie-du-Tombeau. Concernant le métro, l’extension n’est pas mentionnée, alors qu’on se rappelle toujours de la déclaration de l’ancien député Soodhun que Maurice a déjà obtenu un financement de l’Arabie Saoudite pour étendre le métro à Flacq. Mais des consultants de Metro Express Ltd (MEL), travaillent déjà sur le dossier d’extension du réseau vers d’autres régions du pays.

L’économiste Kevin Teeroovengadum : « Je m’attendais à une vision beaucoup plus audacieuse »

Kevin Teeroovengadum

Trouvez-vous ce programme innovant par rapport aux précédents ?
Je trouve le fait d'avoir à attendre presque trois mois après les élections, pour présenter le discours- programme, totalement dépassé, en 2020, surtout lorsque nous parlons de l'ère de l'industrialisation 4.0. Cela aurait pu être fait, fin novembre ou début décembre 2019 et au moins nous aurions pu commencer la nouvelle année 2020 avec une perspective claire. C’est une perte de temps, car nous avons beaucoup à faire et vite, compte tenu du contexte mondial très difficile. Regardez le Royaume-Uni où le discours de la Reine a été lu seulement une semaine après la réélection du gouvernement conservateur de Boris Johnson en décembre 2019. Une leçon à retenir…

Quant au discours-programme, il s'inscrit dans un contexte où nous avons le même gouvernement qui fut réélu, en novembre 2019 et le même Premier ministre depuis janvier 2017, donc vous pouvez vous attendre à ce qu'un certain nombre de projets déjà annoncés ou en cours de réalisation, sont encore une fois mentionnés.

Deuxièmement, vous constaterez que la plupart des annonces dans le discours-programme figuraient déjà dans le manifeste électoral de l’alliance morisien publié en d’octobre 2019. Ces deux raisons expliquent le sentiment général qu’il n’y a pas eu de 'big bang' et « on est resté sur sa faim ».

Le gouvernement, a-t-il les moyens nécessaires de réaliser son programme ?
La roadmap présentée par le gouvernement ne peut être réalisée que si nous avons au moins les ingrédients suivants : d’abord, assurons-nous de recruter les bonnes compétences à la tête des institutions publiques et des entreprises paraétatiques. Il faut remanier certains conseils d'administration publics en nommant des cadres apolitiques. Deuxièmement, que nous ayons une approche totalement collaborative avec le secteur privé et arrêtons ce vieux paradigme où le gouvernement est de l'autre côté de la table. Nous sommes tous sur le même bateau, plus que jamais et les secteurs public et privé doivent collaborer pleinement !

Troisièmement, il faut ouvrir davantage l'économie pour attirer au moins 1 milliard de dollars US d'investissements directs étrangers (IDE) par an. Nous avons besoin d'investisseurs étrangers non seulement pour plus d’investissements, mais aussi pour briser notre insularité et apporter une expertise que nous n'avons pas dans des secteurs spécifiques. Finalement, nous devons veiller à ce que les projets d’infrastructures publics soient en fonction des priorités et implémentés efficacement dans les limites des budgets. Nous ne pouvons pas éternellement excéder les coûts budgétisés, car ces coûts s’ajoutent à notre dette totale.

Est-ce que les projets annoncés, sont-ils suffisants pour faire de Maurice une nation à hauts revenus ?
Beaucoup de projets ont été annoncés et encore une fois ce n'est pas leur nombre qui compte, mais plutôt leur qualité. Par exemple, je m'attendais à une vision beaucoup plus audacieuse en ce qui concerne l'environnement, en faisant du « vert » un nouveau et véritable pilier de l'économie mauricienne, ce qui aurait été un nouveau catalyseur pour l'économie mauricienne, que ce soit en investissements, création d'emplois durables, etc.

On ne peut attendre 2050 et que nous aurions dû centrer nos objectifs, à l’an 2030. 2050 est dans 30 ans et si vous regardez 30 ans en arrière (1990-2020) et voyez comment l'environnement s'est détérioré, cela vous dit que nous ne pouvons pas attendre encore 30 ans pour devenir une véritable île durable. Est-ce judicieux de devenir un pays à revenus élevés avec un environnement pollué où nous ne prenons que des initiatives « demi-cosmétiques » pour faire semblant d’agir pour l'environnement ? Pourquoi ne pas bannir le plastique d'ici 2025 ? Avec un calendrier agressif, nous serons forcés de réussir. Notre objectif doit être une île durable à revenus élevés et non pas un pays à revenus élevés que pour figurer parmi les grands du monde.