Dr Bhavish Jugurnath, consultant en économie : «Si la guerre Iran / États-Unis éclate, l’île Maurice sera touchée»
Maurice doit relever des défis de développement pour gérer sa transition vers une économie à revenu élevé fondée sur la connaissance, stimulée par l’innovation et la croissance de la productivité. Telle est l’opinion du Dr Bhavish Jugurnath, consultant en économie.
« Maurice a une petite population, mais hautement qualifiée »
Quelles perspectives économiques pour 2020 et quid des défis ?
Sur le plan économique, lorsque nous regardons 2019, la croissance du PIB a été légèrement inférieure aux attentes, avec une croissance économique de 3,8 % et principalement tirée par la construction, les services financiers et les technologies de l’information et des communications. L’économie mauricienne a été confrontée à un nombre de défis, avec un paysage économique mondial en mutation et des risques à la baisse liés à la montée des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, les incertitudes liées au Brexit, ainsi que l’impact des manifestations des Gilets jaunes en France et à La Réunion. Dans la conjoncture actuelle, l’économie fait face à des défis croissants liés aux perturbations météorologiques et aux effets du changement climatique.
Qu’en est-il du chômage ?
En effet, le vrai problème auquel est confronté Maurice est la façon dont des emplois sont créés pour les jeunes. Le gouvernement devrait également s’attaquer au problème de l’inadéquation des compétences et essayer de comprendre pourquoi certaines personnes restent au chômage, malgré que les emplois sont disponibles sur le marché.
Selon les projections, Maurice devrait atteindre le statut d’économie à revenu élevé en 2023. Sommes-nous sur la bonne direction ?
Selon les critères de la Banque mondiale, pour être reconnu comme une économie à revenu élevé, le seuil doit être de 12 475 USD par an, soit environ Rs 36 385 par mois. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2018, Maurice a un PIB par habitant de 9610 USD par an, ce qui équivaut à peu près à Rs 28 000 par mois. Par rapport à d’autres pays du monde, Maurice se classe 68e et est proche des pays comme le Brésil, le Mexique et la Turquie. Monaco est en tête de liste, avec un PIB par habitant de 186 950 USD par an, équivalent à Rs 545 000 mensuellement. Le gouvernement visait à devenir un pays à revenu élevé d’ici 2023, mais selon les indicateurs macroéconomiques, je pense que nous ne pourrons pas y arriver si tôt. Nous nous dirigeons vers elle, mais nous atteindrons cette position bien après 2023. Il est nécessaire de diversifier et de susciter des activités à plus forte valeur ajoutée. Alors que le PIB par habitant pourrait augmenter légèrement au cours des prochaines années, les inégalités de revenus continuent de croître, en particulier celles situées au bas de l’échelle que le gouvernement devrait combattre.
Est-ce que notre pays peut devenir une plateforme majeure pour l’intelligence artificielle (IA) ?
Nous vivons dans un monde très compétitif et heureusement pour une économie comme Maurice, nous avons une petite population, hautement qualifiée. Ce qui est nécessaire pour un pays comme le nôtre, c’est de redresser l’économie et la déplacer vers les nouvelles zones de croissance. Ce ne sera pas une tâche facile et nous ne savons pas à quoi ressemblera l’économie mondiale ni où elle sera dans dix ans, compte tenu des changements technologiques rapides. Nous devons encourager les gens à rechercher des solutions : à promouvoir l’esprit d’entreprise, à rechercher les opportunités offertes par l’intelligence artificielle (IA) et les FinTech. Maurice est un petit pays aux ressources limitées. Nous sommes également touchés par les cyclones et nous avons également une population vieillissante. Il existe de nombreux problèmes dans ces secteurs qui nécessitent des solutions et l’IA peut améliorer l’efficacité dans ces domaines. Maurice devrait viser à devenir une «économie du savoir» où nous vendons notre expertise dans le secteur financier, l’énergie et où nos diplômés ont la possibilité de concevoir des algorithmes et des programmes qui répondent à la demande et qui peuvent résoudre aux problèmes qui se posent. Ce qui est extraordinaire à propos de l’IA, c’est qu’elle ne nécessite pas de gros capitaux, mais de l’intelligence. Nous sommes un petit pays, avec peu de ressources naturelles, mais beaucoup d’intelligence. Nous sommes dans une position unique pour en profiter. Le fait que nous soyons proches de l’Afrique est une opportunité que nous devons saisir. Nous pouvons devenir une plateforme majeure pour l’IA.
Grâce à la microfinance, la transformation numérique, la numérisation et l’économie numérique sont un facteur majeur de la croissance et de la productivité de Maurice. Cependant, il est important d’exploiter la transformation des informations utilisées ou fournies avec des informations numériques. Il est également important de souligner l’importance croissante des secteurs informatique et technologique. Selon moi, l’économie numérique est l’avenir de Maurice aux côtés de la numérisation dans l’agriculture et des FinTech dans le secteur financier à Maurice.
L’appréciation du dollar vis-à-vis de la roupie se poursuit. Selon vous, quelles sont les répercussions sur notre économie mauricienne ?
Le dollar américain est resté la monnaie préférée des investisseurs malgré les préoccupations économiques mondiales persistantes. Il a également été soutenu par l’injection de liquidités sur le marché monétaire pour freiner l’augmentation soudaine des coûts d’emprunt à court terme.
Si la guerre Iran/États-Unis éclate, Maurice sera définitivement touchée, car nous achetons presque tout en dollars. C’est au niveau des prix du pétrole que nous ressentirons les effets. En cas de conflit armé, le coût de production du pétrole augmentera automatiquement. Il est évident que ces effets affecteront notre consommation directe, notamment dans le transport.
Il y aura un effet généralisé. Cette incertitude sur le marché international peut conduire à une course à l’achat du dollar américain qui est un refuge sûr. Cela entraînera une nouvelle hausse du prix de cette monnaie.
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