Au cœur de Port-Louis : Shahnaz Peerbaye habille les mariées | Défi Économie Aller au contenu principal

Au cœur de Port-Louis : Shahnaz Peerbaye habille les mariées

Robes de mariée
Les robes de mariée de la boutique sont confectionnées en Chine.

Les rêves d’enfant mènent à tout. Si certains sont modestes dans leurs ambitions, d’autres mettent la barre haut. Pour Shahnaz Peerbaye, encore gamine, son ambition était la couture, en particulier de robes de mariée. Devenue adulte, elle a déployé un immense courage et une multitude de moyens pour réaliser son rêve de toujours.

Aujourd’hui, à 59 ans, elle possède enfin sa boutique de robes de mariée, mais elle songe à s’investir davantage dans le social quand elle sera à la retraite.  

Lundi dernier, Shahnaz Peerbaye s’apprêtait à s’envoler pour Dubaï, avant de regagner la Malaisie où sa fille Kamilah est inscrite à l’université. « Elle veut étudier le comportement des enfants, des bébés, elle est très sensible, pas de nature à mener des affaires », explique Shahnaz, co-directrice de la société Fashion Studio Ltd avec son époux, qui gère le magasin Lucky Boutique à Rose-Hill.

La passion des robes, elle la tient de sa grand-mère qui confectionnait des petites robes alors qu’elle habitait rue Souillac à Port-Louis. « J’ai commencé par l’aider en faufilant des vêtements en même temps que je poursuivais mes études », confie-t-elle. Plus tard, à la sortie du collège, elle trouve un emploi dans une boîte d’assurance et, avec ses économies, elle s’offre une machine à coudre Pfaff. « J’ai suivi des cours de couture avec l’ambition d’ouvrir mon propre atelier un jour », dit-elle. Pour mieux s’armer dans la réalisation de cet objectif, elle s’abonne au magazine Burda, une référence dans la couture à l’époque, et se sert de la double page centrale pour dessiner des robes.

Un petit espace à Rose-Hill

« J’ai suivi des cours de couture avec l’ambition d’ouvrir mon propre atelier un jour », explique Shahnaz  Peerbhaye.
« J’ai suivi des cours de couture avec l’ambition d’ouvrir mon propre atelier un jour », explique Shahnaz  Peerbhaye.
En 2019, Shahnaz Peerbaye a reçu une récompense en entrepreneuriat des mains de Lady Sarojini Jugnauth.
En 2019, Shahnaz Peerbaye a reçu une récompense en entrepreneuriat des mains de Lady Sarojini Jugnauth.

En 1994, elle loue un petit espace à Rose-Hill où elle revend des robes de mariée. Pour s’achalander, elle part en Indonésie ou en Thaïlande. Sur place, elle recherche des tissus, puis fait confectionner les robes dans un atelier local. L’année suivante, elle décide de mettre le cap sur la Chine qui commence à s’ouvrir sur le monde avec des produits qui défient toute concurrence. « Mais à l’époque, nuance-t-elle, les produits chinois étaient très limités en termes de choix, il a fallu que j’apporte les modèles mauriciens qui sont une fusion entre les styles européen et asiatique. Aujourd’hui, les Chinois sont en mesure de reproduire à l’identique tout ce qu’on leur demande. »

Comme elle souhaite répondre aux attentes de sa clientèle, elle se résout à offrir à cette dernière une très grande variété tout en équilibrant la qualité et les prix. Pour satisfaire cette ambition contraignante, elle part d’abord à Dubaï en quête de tissus de premier choix et elle fera ensuite confectionner les robes dans un atelier en Chine. À la fin, dit-elle, ce sont des articles de haute facture, en petite quantité mais qui ont l’avantage d’être des pièces uniques. « Certes, il faut parfois les ajuster un peu en fonction de la taille de la cliente. Mais, il est préférable que les robes soient plus longues et pas le contraire », explique-t-elle.

Relations de confiance

Avec ses cinq salariées à Port-Louis, elle a su nouer des relations de confiance, ce qui lui permet de faire face à la concurrence avec sérénité. « Notre stratégie s’articule autour de trois pôles : des petites marges en termes de bénéfice, l’accueil client et la visibilité à travers les réseaux sociaux. Ces trois priorités vont de pair afin de pérenniser l’entreprise », ajoute-t-elle.

Malgré ces atouts, force est de constater que depuis 2019, les affaires connaissent une certaine décroissance, observe-t-elle. « Je pense que cette situation est due à l’érosion du pouvoir d’achat des Mauriciens, à l’endettement, aux autres dépenses telles que la santé et les leçons particulières, entre autres », confie-t-elle, avant de préciser que son créneau ne concerne pas des articles de consommation courante.

Qu’à cela ne tienne, son business tient le coup car le mariage reste encore un passage obligé pour tout jeune Mauricien. « C’est une institution et on ne se marie qu’une fois, dit-elle. Aussi, les familles n’hésitent pas à y mettre le prix pour une belle robe, tout en sachant qu’elle ne servira pas deux fois. » Pas question, non plus, de lésiner sur la matière, où la tendance est au frou-frou, au tulle à la place du satin et des paillettes clinquantes et lourdingues. « Les ouvrages sont toujours bien travaillés et les jeunes repartent ainsi satisfaits », affirme-t-elle.

Projets de développement

À l’ère de l’Internet, et comme dans l’ensemble des activités commerciales, Shahnaz tente de réduire les contacts avec ses partenaires étrangers. « Lorsque je pars en Chine, c’est uniquement pour vérifier les vêtements presque terminés. Je ne passe pas de grosses commandes mais comme je suis une bonne cliente depuis des années, l’atelier, qui travaille avec des clients à travers le monde, continue à prendre mes commandes. Maurice est leur petit client », se réjouit-elle.  

À quelques années de la soixantaine, elle a préféré laisser à son fils Yaasir le soin de mener à bien les projets de développement de la société. Depuis quelques années, c’est lui qui se rend en Chine, effectue des recherches sur les nouvelles tendances sur le net et réfléchit à l’emploi de bloggers et influenceuses. Bien entendu, il bâtit sur la notoriété déjà établie par sa mère qui a organisé plusieurs défilés et s’est vu décerner des titres comme Woman of the Year Award, 100 most influential women of Mauritius in Business Entrepreneurship ou encore Promising Indian African 2018-2019.

La retraite signifiera pour elle davantage d’engagements dans le social, auprès des enfants défavorisés et la transmission de son expérience. « J’ai connu des moments difficiles, mais j’avais un rêve que j’ai réussi à concrétiser. Je veux faire comprendre aux femmes de milieux modestes qu’elles peuvent commencer par des petites expériences en entrepreneuriat. Il faut qu’elles se fixent des objectifs et travaillent dans la discipline et la rigueur », dit-elle.