Cadeaux : un Noël de plus en plus axé sur la technologie | Défi Économie Aller au contenu principal

Cadeaux : un Noël de plus en plus axé sur la technologie

Cadeaux
Les achats ont déjà débutés.

L’année 2019 sonnera-t-elle le glas dans l’univers des jouets traditionnels pour laisser la place aux jouets connectés et autres jeux-vidéos de plus en plus violents et hyperréalistes? S’il existe encore des offres traditionnelles, elles ne semblent pas pouvoir faire jeu égal à l’apparition  d’Internet dans le monde des jouets et de jeux, de plus en plus chers mais si attrayants, avec en contrepartie retranchant encore un peu plus l’enfant dans l’isolement.

Drone

Le contraste est saisissant, saute aux yeux et est tellement révélateur. Dans les foires, à Rose-Hill ou à Port-Louis, des poupées aux cheveux blonds et aux yeux bleus, des véhicules miniatures marchant aux piles, ou d'autres jouets jonchent les étaux. À presque équidistance entre les deux localités, à Bagatelle, dans une boutique, ce sont les video games, à partir de Rs  6 000, qui fascinent des gosses, dont une majorité de garçons. Ces derniers sont des véritables spécialistes des jeux videos, capables de dénicher les moindres failles dans les dernières consoles créées par une société ou gloser sur l’avant-dernière génération d’une marque très connue. Ils sont incollables sur ces jeux qui sont les traits d’une nouvelle génération de gamins solitaires, avides de fast-food, de vêtements griffés et fuyant les activités familiales. D’où viennent-ils ?

« Ce sont souvent les enfants des professionnels qui ont fait des études à l’étranger et qui rentrent à Maurice, la tête bourrée des dernières technologies qu’ils ont vues en Occident", explique Pavi Ramota, sociologue-anthropologue. Du coup, ils sont convaincus que c’est l’avenir pour leurs enfants et le monde de demain. Il n’est plus question de jeux qui émerveillent les enfants, que ces derniers jouent avec leurs voisins, qu’ils cassent parfois au bout d’un mois ou qu’ils gardent précieusement pour les refiler à leurs petits frères ou sœurs, mais plutôt de jeux dits intelligents et chers, bien entendu. »

Super Mario ou Donkey Kong

À ces jeux importés de l’Occident – pourtant, à y voir de près, ce sont les Japonais de Nintendo qui ont inventé les jeux videos, avec Super Mario ou Donkey Kong – aujourd’hui, il faut compter les smartphones qui développent des applis de plus en plus sophistiqués (lire l'entretient d’Avinash Meetoo, ingénieur en informatique). Difficile de ne pas trouver une filiation ou une raison d’être du smartphone dans la vie de l’enfant, lorsqu’on sait que les tablettes connectées sont désormais présentes dans les salles de classe ou sont utilisées par les profs de leçons privées pour transmettre les devoirs. «Comment, dès lors, détacher ces appareils du quotidien de l’élève, mais de là à en faire un cadeau de Noël, c’est toute la définition de cette fête qui est en question», fait observer Pavi Ramota qui ajoute : « Noël, c’est  ‘dis-moi ce que tu offres à ton enfant, je te dirai quel est ton boulot.’ »

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À lundi, 19 décembre, des parents étaient encore incertains quant aux présents à offrir à leurs enfants.  Mala, qui tient un petit ‘bazar’, déclarait: « Ki mo pu donn zot ? Tou zot ena. Zot pe rod bann kado electronik ki ser. Zot mem pe rod telefonn portab. Kot mo pu gagn kas ? ». Chez un revendeur de téléphones portables à Rose-Hill, une vendeuse affirme, elle, que certains parents n’hésiteront pas acheter à crédit des smartphones pour en faire cadeaux pour la fête de Noël. « Je pense qu’ils se feront aider par les grands-parents qui ont eu une augmentation de leur pension et de leur boni. De nos jours, il y a des variétés de smartphones et à différents prix, puis les parents qui ont les moyens veulent faire plaisir à leurs enfants, surtout à ceux qui ont bien travaillé à leurs examens. »

Sociologie des cadeaux

Selon Pavi Ramota, les cadeaux pour la fête de Noel sont devenus de véritables signes extérieurs de statut social, à la manière des voitures. À chaque fête de Noël, il suffit d’observer la fréquentation des commerces pour se persuader qu’il existe encore une certaine sociologie des cadeaux. Dans les foires ou aux les abords des magasins, les prix des cadeaux sont nettement inférieurs à ceux vendus dans les nouvelles galeries commerciales, dans le Nord ou le centre de l’île.

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« Mais, cette analyse est parfois trompeuse, nuance Pavi Ramota. Avec leurs foodcourts servant d’appât, certains commerces situés dans ces galeries profitent de la clientèle venue manger pour vendre leurs produits, dont certains ressemblent à ceux ailleurs mais moins coûteux. » Pour le sociologue-anthropologue, les jouets sont devenus des objets qui reflètent le degré d’influence de la culture occidentale sur la psyché des enfants. « Ils sont soumis à un conditionnement presque quotidien, avec un martèlement constant sur la mondialisation qui n’est, en fait, que le triomphe de la culture occidentale, dont la pénétration est ressentie dans presque tous les pays », indique notre interlocuteur, qui tire la sonnette d’alarme : « Le  résultat c’est que nous sommes rentrés les deux pieds joints dans une société consumériste qui n’épargne personne et qui conduit au surendettement.»

Ludo

Mais, il n’y a pas que les sapins, les cadeaux ou la messe de minuit qui dessinent le contour et le contenu de Noël, il faut aussi inclure les dîners, de plus en plus fastueux et chers. Devenue un véritable enjeu commercial à l’ère de l’hyper-consumérisme, la fête de Noël a fini par imposer l’alimentation dans son contenu, avec des offres qui, parfois, n’ont plus rien à voir avec les plats traditionnels mauriciens. La dinde de Noël en est l’exemple le plus visible, au lieu du poulet local qui, autrefois, ornait la table à l’heure du dîner. Pour repousser un peu plus loin les frontières alimentaires, des restaurateurs importent  des mets comme le foie gras ou des fruits de mer, offerts  à des prix exorbitants. Mais, comme l’indique Pavi Ramtola : « Plus vous dépensez, plus vous montrez à votre voisin, collègue ou parent que vous faites partie de l’élite, d’une ‘class above' ».

Valeur des importations des videos games et des consoles (janvier à novembre 2019)

Années Quantité (unités)  Valeur (Rs)
2016 35 306 51 504 093 
2017 46 550 74 341,900 
2018 60 048 83 090 953 
2019 (jusqu'à novembre) 9 646 65 026 140 
 Total 181 550 273 963 086

Pays d'importation des videos games et des consoles (janvier à novembre 2019)

Pays  Quantité (unités) Valeur (Rs)
Émirats Arabes Unis 21 747 41 156 425
États-Unis 1 765 14 179 621
Chine 15 348 7 799 002
Royaume-Uni 478 1 341 432 
Singapour 90 265 738
Pays-Bas 95 198 563
France 113 80 123
Hong Kong 10 5 236
Total 39 646  65 026 140

Avinash Meetoo, informaticien : « Les jeux vidéos peuvent aussi être informatifs et éducatifs »

Avinash Meetoo

Des enfants, à partir de 10 à 16 ans, interrogés, souhaitent un smartphone comme cadeau de Noël et ne sont pas intéressés par les cadeaux traditionnels. Comment expliquer un tel choix ?
Tout simplement parce qu’un smartphone rend smart et qui n’a pas envie d’être smart? Plus sérieusement, nous vivons tous dans un monde où être constamment connectés aux autres et aux sources d’information est devenu primordial. Un smartphone, avec ses applications de réseaux sociaux, son navigateur internet (browser) et ses apps de streaming audio et vidéo (ex: Deezer, Netflix, etc.), est un outil formidable pour rester en contact avec le monde qui nous entoure.

On peut aussi utiliser son smartphone pour, par exemple, être au courant des dernières nouvelles, pour lire des articles sur Wikipedia ou carrément un livre Amazon Kindle.

De plus, nos enfants adorent jouer, comme tout enfant, et il se trouve que les jeux vidéos, qui fonctionnent très bien sur les smartphones de dernière génération, sont de formidables « jouets ». Je me souviens, lorsque j’étais moi-même adolescent en 1988, je passais des heures et des heures à jouer sur l’ordinateur. Donc, je comprends très bien l’engouement des jeunes pour les smartphones qui leur donnent la possibilité de jouer quand ils le veulent. Permettez-moi d’ajouter que les jeux vidéos, en plus d’être ludiques, peuvent aussi être informatifs et éducatifs. Mais, bon, il est aussi important de pouvoir gérer son temps correctement : il n’est pas raisonnable de passer toute la nuit à jouer.

Un smartphone présente-t-il un quelconque intérêt ludique comme l’étaient les cadeaux traditionnels, que les parents plaçaient au pied du sapin ?
Le Larousse définit ludique comme quelque chose « qui relève du jeu ». Il est clair que le smartphone, de par sa capacité à devenir un mini-console de jeu, est un appareil ludique par excellence. De plus, nos jeunes passent beaucoup de temps dans la voiture, le bus et, bientôt, le métro et il est clair que pouvoir se distraire pendant le voyage est une bonne chose.

Avez-vous le sentiment, ou pas, que de par la nature des présents offerts aux enfants, la fête de Noël est en train de perdre son aspect dit ‘merveilleux’ ?
Non, pas vraiment. Il existe encore la possibilité pour le Père Noël d’apporter des jeux autres que les smartphones. Par exemple, j’ai l’impression que les enfants, surtout les plus jeunes, aiment bien les jeux de construction, les instruments de musique, etc.

C’est vrai que les adolescents aiment bien les produits électroniques, mais ceux-ci ne doivent pas nécessairement être des smartphones ou des ordinateurs. Par exemple, dans un passé récent, mes enfants ont reçu du Père Noël un « Arduino Starter Kit » pour les initier à l’électronique, à la robotique et à la programmation. Ils ont adoré créer leur propre tableau de bord de vaisseau spatial ou un détecteur d’émotion qui réagit à la température.

À mon avis, c’est « Père Noël» (ou « Mère Noël ») qui a encore toutes les clés en main...
Peut-on penser que de plus en plus le cadeau de Noël ressemblera davantage à un objet électronique, sophistiqué et connecté et requérant de l’enfant une véritable connaissance technologique? Oui. Pourquoi pas. Le «Lego Technic » qui est le kit de construction de véhicules plus ou moins automatiques existe depuis 1977 ! Le « Lego Mindstorm », pour construire ses propres robots, existe depuis 1998. D’autres robots en kit existent comme l’Anki Cozmo ou le Makeblock Starter.

Naturellement, les enfants auront à apprendre à construire ces objets et les programmer par la suite. Et c’est une excellente chose, par rapport au monde moderne où nous vivons qui est un monde hautement technologique.

(D’ailleurs, vous venez de donner une bonne idée au Père Noël… :-)