Endettement des ménages : une action collégiale s’impose | Défi Économie Aller au contenu principal

Endettement des ménages : une action collégiale s’impose

Dette
Autre pratique à considérer, ou plutôt à déconseiller, le prêt-logement à taux d’intérêt variable.

Les dernières statistiques de la Banque de Maurice (BoM), le confirment. L’endettement des ménages a dépassé la barre de Rs 100 milliards. À la fin de juin 2019, il représentait 21,8 % du produit intérieur brut (PIB) contre 20,9 % du PIB à la fin de décembre 2018. Cette hausse de l’endettement des ménages s’explique, selon la BoM, par une forte expansion des crédits alloués aux ménages. Par ailleurs, alors que la part du crédit au logement liée au crédit des ménages a baissé, passant de 65,3 % en décembre 2018 à 64,6 % en juin 2019, celle destinée à financer d’autres dépenses ménagères comme l’acquisition de produits de consommation, de biens immobiliers, de véhicules ou encore l’achat de médicaments, entre autres, a connu une hausse. Elle est passée de 34,7 % à 35,4 %.

Une situation, qui selon la Consumer Advocacy platform (CAP), mérite que toutes les autorités concernées, notamment la BoM, le ministère des Finances, l’Ombudsperson for Financial Services, l’Office of the Commissionner for the Protection of Borrowers, la Chambre de Commerce, ainsi que les organisations de consommateurs, se concertent en vue de dégager un plan d’action collégial.

Il faut s'informer et s'organiser pour ne pas tomber dans le surendettement.

Éviter le surendettement

Le déplacement vers le crédit à la consommation, avec des prêts pour financer des dépenses ménagères comme l’acquisition de produits de consommation, de biens immobiliers, de véhicules ou encore l’achat de médicaments, entre autres, devrait inquiéter les décideurs politiques, ainsi que les régulateurs des secteurs bancaires et non-bancaires. Tel est l’avis de la CAP, qui estime urgent de mettre en place un plan d’action en vue de prévenir le surendettement.

Pour la CAP, la hausse du crédit à la consommation est une indication que de nombreux Mauriciens vivent au-dessus de leurs moyens. Il implique aussi qu’il n’y a pas beaucoup d’efforts de la part des décideurs pour réduire l’endettement. L’absence d’une loi sur la publicité ouvre un boulevard aux commerçants et aux agences de financement converties en institutions financières non-bancaires. Le manque d’engagement de la Commissioner for the Protection of Borrowers est à déplorer.

L’organisation de consommateurs reconnaît qu’il est difficile dans une société de consommation d’enrayer l’endettement. Toutefois, il faut s’informer et s’organiser  pour ne pas tomber dans le surendettement. D’autre part, les ventes à crédit permettent à des ménages au bas de l’échelle d’avoir accès à des produits qu’ils n’auraient pas pu se procurer autrement. Cependant, il incombe aux décideurs ainsi qu’aux organisations de la société civile, les associations féminines en particulier, de  conscientiser sur le budget familial avec accent sur comment gérer ses dettes.

Si les dettes pour des logements, donc sur le long-terme,  sont plus importantes, la Banque de Maurice a confirmé que des gens s’endettent pour acheter des médicaments ou d’autres produits de consommation. L’épanouissement d’institutions financières non-bancaires, genre CIM Finance et Rogers Capital, est une preuve que les consommateurs ont souvent recours à des emprunts à court -terme pour de nombreuses transactions. Il faut souligner que ces institutions opèrent, selon leurs propres plans de crédit, hors des normes et des garanties de la Hire Purchase Act.

Les commerces ont une part de responsabilité dans l’incitation à l’endettement. Le zéro dépôt et les plans de crédit proposant aux acheteurs d’acheter maintenant et de payer après six mois sont à proscrire, selon la CAP. Il faut aussi souligner que la vente à crédit n’existe plus. De plus en plus de commerces dirigent leurs clients vers les institutions non-bancaires, qui elles, proposent des prêts plutôt que des plans de crédit.

Par ailleurs, l’absence de contrôle sur la publicité n’est pas pour déplaire aux commerçants. Les messages publicitaires tentent d’inciter les consommateurs à plus s’endetter. En l’absence d’un contrôle sur la publicité, des slogans, tels que ou « bizin enn pret, pez také » ou encore « achetez maintenant et payez après six mois », déferlent sur les billboards sans que quiconque ne s’en émeuve.

Autre pratique à considérer, ou plutôt à déconseiller, le prêt-logement à taux d’intérêts variable. La formule de prêt hypothécaire à taux d'intérêt variable pourrait comporter des pièges. Les plans de crédit-logement vantant un taux d’intérêt, par exemple de 1 % pour la première année,  pourrait faire taire la réalité que le taux pourrait passer à pas moins de 5,6 % l’année suivante, voire plus pour 23 années restantes.

Tout ceci devrait, selon la CAP, intéresser le ministère des Finances, l’Ombudsperson for Financial Services, ainsi que la Commissionner for the Protection of Borrowers, entre autres.


Pour la mise en place d’une Commission pour la protection des emprunteurs

Le ministre des Finances, pourra-t-il enfin traduire dans la réalité la recommandation de la Commission d’enquête sur les Sales by Levy en faveur de la mise en place d’une Commission for the Protection of Borrowers ?  Tel est le nouveau défi auquel devra faire face le nouveau titulaire, au vu de l’insuffisance de compétences dont a fait montre l’Office for the Protection of Borrowers.

Il convient de rappeler que la recommandation de cette Commission d’enquête remonte à 2016. Presque toutes ses recommandations auraient été mises en œuvre, sauf celle relative au remplacement de l’Office actuel par une commission présidée par un juge. En effet, dans son rapport rendu public en juin 2016, la Commission d’enquête est d’avis qu’il faut abolir l’Office for the Protection of Borrowers et la remplacer par une Commission comprenant quatre membres, nommés par le Président sur les recommandations du Premier ministre.

Selon les recommandations de la Commission d’enquête, la nouvelle Commission devra être présidée par un juge ou un magistrat ou une personne ayant plus de dix ans d’expérience dans le secteur judiciaire. Il faut rappeler que la Borrowers Protection Act prévoit  que le Commissaire devra être ‘suitably qualified and experienced in the field of banking, economics, finance or law, or in more than one of those fields.’ De plus, elle est nommée par le ministre des Finances. La Commission d’enquête avait donc estimé que l’actuelle loi avait des lacunes, ne protégeant pas ainsi suffisamment les emprunteurs.