Ganessen Chinnapen : «La dette publique est un critère pour comprendre le bien-être économique d’un pays» | Défi Économie Aller au contenu principal

Ganessen Chinnapen : «La dette publique est un critère pour comprendre le bien-être économique d’un pays»

Ganessen Chinnapen

Si le gouvernement veut minimiser l’impact de la dette publique, encore faut-il qu’il « assure une gestion durable (de la dette) même si une grande partie de nos dettes provient de sources nationales », estime Ganessen Chinnapen. Pour y arriver, il faut qu'un ensemble de facteurs se réunissent, énumère l’économiste.

Le GM devrait demander de l'aide pour explorer et développer l’économie bleue

La problématique relative aux dettes publiques est en ce moment centrale, est-ce qu’elle mérite qu’on s’y intéresse véritablement et pourquoi soulève-t-elle autant d’interrogations ?
Le niveau de la dette publique a toujours été un critère essentiel pour comprendre le véritable bien-être économique d’un pays. Il est considéré différemment dans un contexte en prenant en considération les fondamentaux économiques et les locomotives de croissance de ce pays. Le Japon a enregistré une dette publique de 200,5 % en juin 2019, tandis que Singapour en avait une de 111,3 % actuellement. Dans la mesure où un pays a un taux d’investissements louable en % du PIB, le niveau de la dette ne devrait pas être un problème. Prenons le cas de Singapour.

Le gouvernement maintient le niveau d'endettement de 111,3 % dans la mesure où le taux d'investissements est supérieur à 25 % du PIB, avec un investissement direct étranger de 88,2 milliards USD enregistré en 2018, ce qui représente environ 3 000 milliards de MUR. Mais, pour Maurice, elle se trouve actuellement à un point d'inflexion qui nécessite une planification diligente avec un niveau d'endettement de 64% du PIB, un taux d'investissements de 18,7 % et un investissement direct étranger de 18,5 milliards de MUR. Il est recommandé d’assurer une gestion durable de la dette même si une grande partie de nos dettes provient de sources nationales.

Pour soutenir cette dette, de même que les différents paiements dont le gouvernement devra s’acquitter, quelles sont les sources de financement de l’État mauricien ?
Le maintien d'un niveau élevé de la dette publique ne donne pas une bonne image en termes de discipline financière, mais des emprunts pour des projets de développement économique axés sur la croissance se sont révélés être un mécanisme commun adopté par de nombreuses économies émergentes pour favoriser une nouvelle ère de prospérité économique. Le gouvernement doit trouver la solution qui lui convient avec une combinaison de recettes fiscales, de revenus d’enregistrement et de droits, de subventions et de prêts de développement. Dans le même temps, le gouvernement devrait veiller à la prudence financière dans ses dépenses au moyen de contrôles stricts. Il est également recommandé de veiller à ce que toutes les sociétés publiques soient chargées d'élaborer un mécanisme de durabilité autofinancé et d'être indépendantes vis-à-vis du financement de l'État.

Faut-il prendre au sérieux les problèmes auxquels font face les secteurs du tourisme, cannier et manufacturier ?
Il ne fait aucun doute que les principaux piliers traditionnels devraient être revisités et réorganisés, car ils se heurtent à des problèmes structurels et de transition. L'industrie cannière a besoin d'une nouvelle feuille de route transformatrice intégrant le concept de la technologie verte. Le secteur manufacturier a besoin d'un nouveau modèle de développement qui devrait prendre en compte la nouvelle révolution industrielle 4.0. Le secteur du tourisme doit s'éloigner du marché traditionnel centré sur l'euro et explorer de nouveaux marchés émergents.

Quels sont les secteurs additionnels qui méritent d’être davantage soutenus, afin d’accroitre la croissance et créer des emplois ?
Dans notre quête du statut de pays à revenus élevés, il est primordial de revoir notre modèle économique et d’introduire de nouveaux facteurs de croissance. Le prochain élan de croissance sera celle au-delà de l'horizon avec l'exploitation de nos ressources marines de l'aquaculture à l'exploitation minière en eau profonde. Cela peut se faire par le biais d'un partenariat public-privé international, comme cela a été le cas en Australie. Le gouvernement devrait demander de l'aide pour explorer et développer l’économie bleue, car cela engendrera d’énormes gains économiques pour nous tous. Le moment est venu de passer d'une économie axée sur les services à une économie fondée sur la connaissance.

Compte tenu des incertitudes du Brexit, de la guerre commerciale entre la Chine et les USA et la révision à la baisse de la croissance mondiale, quels peuvent leurs impacts à Maurice ?
Les tensions géopolitiques entre les États-Unis et les économies du Sud-Est asiatique ont commencé à se traduire par un ralentissement économique mondial. La Chine, l'Inde et Singapour ont déjà révisé leur croissance économique à la baisse par rapport aux prévisions du début d'année. La croissance mondiale est encore faible et a été révisée à 3,1 % par le FMI en juillet 2019. À Maurice, la croissance économique reste modérée en raison de chocs extérieurs avec un déficit commercial croissant de 23 % du PIB. Nous devons relever plusieurs défis au cours des 18 prochains mois grâce à un ensemble de réformes structurelles audacieuses.

De nombreux économistes font valoir qu’il faut réduire les dettes publiques, assainir les dépenses de l’État, dont celles des corps paraétatiques, est-ce possible lorsqu’on sait que certains ministères sont budgétivores ?
Il est essentiel de revoir les composants de nos dettes publiques et de concevoir un mécanisme de financement durable tout en encourageant une discipline financière dans tous les ministères et institutions gouvernementales. Il est recommandé que chaque ministère élabore une liste selon un ordre de priorité des projets et programmes en fonction de leur allocation financière.

La productivité et la compétitivité sont souvent citées comme moteurs indispensables pour soutenir la croissance économique. Comment concilier ces deux facteurs ?
Il est essentiel de stimuler la productivité pour relancer la croissance économique et soutenir le développement durable. Nous devons rétablir la compétitivité dans tous les secteurs de la croissance et rendre ces secteurs productifs. J'exhorte le Premier ministre à mettre en place une commission de planification nationale chargée de planifier et d'élaborer des plans stratégiques visant à changer la donne pour tous les secteurs traditionnels tels que la canne à sucre, l'industrie manufacturière, le tourisme, les TIC et les services financiers et aussi initier le développement des nouveaux secteurs comme les énergies renouvelables, l’économie bleue, l’économie du sport.

Le gouvernement peut-il raisonnablement compter sur l’extension du Metro Express pour booster le commerce ?
Un réseau de métro bien connecté et efficace dans des endroits stratégiques-clés apportera certainement plusieurs avantages en termes d’accès instantané et de connectivité à travers le pays, qui allégeront les embouteillages, les temps d’attente et les retards au travail. Il est encore trop tôt pour évaluer la contribution économique du Metro Express.

La Sports Economy a été présentée comme un secteur d’économie à bâtir. Peut-on s’y fier et, si oui, quelles sont les conditions qui favoriseraient son épanouissement ?
Le sport peut contribuer à favoriser la prospérité économique, créer des emplois et contribuer à la croissance économique. Les activités et les événements sportifs ainsi que des installations des facilités haut de gamme associées à quelques programmes d’emploi autour du sport devraient développer les connaissances, les compétences et la productivité des individus et créer des quartiers forts et dynamiques où les gens souhaitent vivre et où les entreprises sont attirées par les opportunités d'investissement. Il faut donner à nos jeunes les moyens de se former grâce à un programme d’emploi dans le sport professionnel.

Le secteur des PME n’a pas véritablement pris son envol durant ces cinq années, quelles sont ses difficultés ?
Le secteur des PME comprend quelque 108 000 PME représentant 40 % du PIB du pays et 54,6 % de l’emploi total. Le gouvernement a élaboré un plan directeur décennal pour les PME, qui comprend plusieurs initiatives louables. L’accès au financement et aux marchés a toujours été le principal problème des PME. Le gouvernement devrait responsabiliser les entrepreneurs grâce à une série d'incitations et de mécanismes de financement leur permettant d'innover, de mener des activités de recherche-développement.