Salaire minimum : la crainte des entrepreneurs

Le nouveau gouvernement s’attèle déjà à la réalisation de ses promesses. Après la décision de payer l’augmentation des pensions à partir du 1er décembre, les autorités travaillent maintenant sur l’ajustement du salaire minimum, comme promis durant la campagne électorale. Mais le consensus sera-t-il trouvé entre patronat et syndicats ?
Le salaire minimum a été un thème central durant la dernière campagne électorale, et c’est maintenant l’heure de la réalisation. En effet, les deux principales alliances avaient promis d’augmenter le salaire minimum à partir de janvier 2020. Alors que l’Alliance Nationale avait déjà proposé le chiffre de Rs 10 000 comme étant le nouveau seuil, l’Alliance Morisien n’avait avancé aucun chiffre. Le nouveau gouvernement laisse maintenant le soin au National Wage Consultative Council (NWCC) de déterminer le quantum de l’augmentation.
Promesse électorale ou pas, le NWCC, de par la loi, était tenu de revoir le salaire minimum en 2020 et ensuite chaque cinq an. Cependant, les élections ont bousculé le calendrier. Cet organisme a réuni le monde syndical et le patronat lundi pour discuter du nouveau salaire minimum. Mais comme il n’y a eu aucun consensus, le comité se réunira à nouveau le mercredi 4 décembre prochain.
Le président de la Fédération des syndicats de la fonction publique, Rashid Imrith, propose un salaire de base de Rs 10 200. Il avance que sa proposition s’inscrit dans la perspective de faire de l’île Maurice un pays à hauts revenus. De son côté, le Chief Operating Officer de Business Mauritius, Pradeep Dursun, dit ne pas comprendre comment le chiffre a été déterminé. Il dit en outre craindre pour certains secteurs qui ne pourront pas soutenir des charges additionnelles.
Et que pensent les entreprises ? Nous avons sondé quelques entrepreneurs sur le sujet. Le directeur de Neel Group dit que son entreprise attend les recommandations du NWCC pour ensuite les analyser et voir l’impact sur son entreprise et le secteur en général. Même son de cloche chez Tamak Textiles, où on préfère attendre l’annonce du nouveau salaire minimal avant de le commenter.
En revanche, un des directeurs de Fairy Textile, usine engagée dans l’exportation, craint que le nouveau barème de salaire n’affecte les entreprises déjà en difficulté. Selon lui, les usines qui emploient beaucoup de personnes seront sérieusement touchées. « Il y a aussi le fait que les usines travaillent beaucoup en heures supplémentaires pour respecter les délais de commandes, et cela a un coût énorme », dit le représentant de l’usine. Si le coût de production augmente, l’usine aura à majorer le prix de ses produits et cela affectera sa compétitivité internationale. Il s’attend à ce que le gouvernement propose un plan pour soutenir les entreprises exportatrices. Par contre, il dit qu’une augmentation de salaire peut aussi bénéficier à l’industrie, par exemple, si 600 000 travailleurs dépensent plus sur l’habillement, cela crée des opportunités pour les usines. Mais il propose que le gouvernement enlève la TVA sur les produits fabriqués localement afin de pouvoir concurrencer les exportations. « Les produits Made in Moris doivent être exemptés de la TVA afin de stimuler l’industrie locale », propose-t-il.
Prithviraj Fowdur, économiste et directeur du groupe Le Nid, dit qu’une augmentation de salaire pèse lourd dans le budget de l’entreprise, mais il ne peut majorer les frais scolaires. Donc, l’entreprise devra pouvoir absorber les coûts additionnels.
Amar Deerpalsing : « La loi salariale est discriminatoire »
Le président de la Fédération des Petites et Moyennes Entreprises, Amar Deerpalsing, soutient que les entreprises exportatrices seront les plus vulnérables à une augmentation des salaires. « Les entreprises qui exportent ne peuvent pas trop augmenter leurs prix, au risque de perdre des marchés », dit-il. Il craint que ces entreprises soient poussées vers la fermeture. Il soutient que la loi sur le salaire minimum est discriminatoire, dans la mesure où des usines dites exportatrices mais qui ont quand même le droit de vendre sur le marché local bénéficient des avantages salariaux, et peuvent donc concurrencer les petites et moyennes entreprises. « J’ai plusieurs fois attiré l’attention sur cette anomalie, mais les autorités n’ont jamais réagi », dit-il. « Le terme ‘export-oriented’ est vague, car il n’est basé sur aucun règlement, l’EPZ Scheme n’existant plus. »
Kevin Ramkaloan: « Un montant raisonnable pour prolonger l’efficacité »
Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius, s’attend à ce que le National Wage Consultation Council arrive à un chiffre raisonnable pour ne pas causer de problèmes aux entreprises. Il espère que le nouveau seuil du salaire minimum permet aux entreprises de fonctionner efficacement. Cependant, il ne peut pour l’instant exprimer la position de Business Mauritius tant que le chiffre officiel ne sera pas connu.
Affrad Dil Hossain : « Les travailleurs méritent un salaire décent »
Affrad Dil Hossain, directeur de l’entreprise Teck D’Or, fabricant de meubles, dit que le coût de la vie augmente, donc les travailleurs méritent amplement un salaire digne et décent pour pouvoir vivre confortablement. Il pense que l’ajustement du salaire minimum est une bonne chose. « Je pense qu’une augmentation de Rs 500, Rs 1 000 ou Rs 1 200 va certes diminuer les profits de l’entreprise mais ne va pas causer sa fermeture. Il faut aussi penser au bien-être des employés. Il n’y a pas de patronat sans eux », ajoute l’entrepreneur. Il avance qu’un employé bien payé travaillera mieux et la productivité augmentera. À la fin, c’est le patron lui-même qui sera gagnant, alors pourquoi être réticent à augmenter le salaire ?
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