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Nouveau gouvernement : ces enjeux économiques post-électoraux

Port-Louis

Une fois constitué, le nouveau gouvernement aura du pain sur la planche pour relancer l’économie, surtout que 2020 s’annonce difficile avec une éventuelle récession en vue. Quels sont les défis auxquels il devra faire face ? Quelles devraient être ses priorités ? Explications.

Les défis

S’armer contre la conjoncture économique difficile

Quand l’économie mondiale s’enrhume, c’est la grippe pour tous. Et Maurice, en tant que pays insulaire, n’est pas à l’abri et devra trouver des solutions pour résister aux chocs externes. « La conjoncture économique internationale est difficile. Même le Singapour a déclenché l’alarme que nous nous dirigeons vers une récession sans parler de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, qui ne fait que freiner la croissance mondiale », indique l’économiste Ganessen Chinnapen. Et c’est loin d’être les seules sombres images au tableau. L’économiste Manisha Dookhony cite notamment l’expectative d’un éventuel Brexit; les conséquences de l’économie indienne, qui montre des signes de ralentissement, sur notre secteur financier ; ou encore un possible non-renouvellement de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) en 2025. Autant de défis que devra relever le nouveau gouvernement.

Les problèmes structurels à ne pas négliger

Le pays fait aussi face à plusieurs problèmes structurels. Parmi, on compte, explique Ganessen Chinnapen, la balance commerciale où le pays importe plus qu’il n’exporte. « Ce qui affecte notre économie et a un effet sur la roupie », souligne l’économiste. L’emploi, surtout des jeunes, est aussi pointé du doigt. « Même s’il y a des postes vacants, nous avons besoin de recourir à la main-d’œuvre étrangère. D’ailleurs, un quart des jeunes de moins de 25 ans n’arrive pas à trouver du travail », fait ressortir Manisha Dookhony. Le débalancement démographique, notamment avec le vieillissement de la population, est un autre souci à ne pas négliger. « Nous nous trouvons davantage avec une population dépendante comparativement à une population active qui crée de la valeur ajoutée », avance Ganessen Chinnapen.

Les finances publiques à surveiller

Les critiques n’ont pas manqué sur le niveau de la dette publique et du déficit budgétaire. Le nouveau gouvernement devra donc s’atteler à réduire la dette, qui s’élevait à 65 % du Produit Intérieur Brut à juin 2019. « Il faudra veiller à ne pas alourdir la dette publique tout en trouvant des moyens pour honorer les promesses faites durant la campagne électorale, notamment l’augmentation de la pension », recommande l’économiste Vishal Ragoobur.

Les priorités

Doper la croissance

Le nouveau gouvernement devra créer le climat économique nécessaire pour aider le pays à franchir la barre psychologique de 4 % de croissance (Ndlr : le pays s’attend à une croissance de 3,8 % cette année comme c’était le cas en 2018). Pour Ganessen Chinnapen, il faut créer un « nouveau dynamisme » pour amener « la croissance à 5 % d’ici les trois prochaines années ». Comment y parvenir ? Il propose la mise en place d’une National Planning Commission qui devra se pencher sur l’économie, le social, la démographie, les infrastructures, entre autres. Cette commission devra, recommande-t-il, être composée d’experts et de techniciens dont la tâche sera de travailler sur une feuille de route de cinq ans pour atteindre les objectifs fixés.

« Il faudra redessiner notre plan de développement pour l’économie avec l’inclusion de tout un chacun, des personnes âgées aux jeunes. Il faudra donner une bouffée d’air frais à l’économie, booster la confiance en vue d’attirer les investissements, mettre l’accent sur le climat des affaires et promouvoir le partenariat public-privé en vue d’attirer des investissements, mais aussi pour créer des emplois. Le gouvernement doit aussi inciter les multinationales à investir dans le pays », résume Ganessen Chinnapen. Une croissance qui devra être inclusive, ajoute, pour sa part, le Dr Vishal Ragoobur. « Il faut aussi des réformes institutionnelles dans le secteur social pour apporter plus de justice sociale et pour aider les personnes vulnérables », conseille notre interlocuteur.

Relancer les secteurs en difficulté

Manisha Dookhony, Ganessen Chinnapen, Vishal Ragoobur sont unanimes. Le nouveau gouvernement devra revoir, restructurer, revaloriser et dynamiser les secteurs traditionnels qui connaissent des difficultés, à l’instar de l’industrie cannière, du secteur manufacturier, du tourisme ou encore du secteur de l’exportation.

Créer de l’emploi

« Ouvrir des opportunités aux jeunes devra être une priorité majeure pour le nouveau gouvernement. Toutefois, cela ne devrait pas prendre la forme de davantage d’emplois gouvernementaux. Il faudra stimuler la création d’emplois et trouver des solutions à travers une plus grande collaboration entre le public et le privé », conseille Manisha Dookhony. « Pendant la campagne électorale, le gouvernement a promis la création de 10 000 postes pour les jeunes dans la Fonction publique. Il faudra voir comment aller de l’avant avec cette mesure », ajoute, pour sa part, Vishal Ragoobur.

Prôner la bonne gouvernance

Pour bien gouverner, il faut miser sur la transparence et « l’accountability ». Tel est l’avis de Vishal Ragoobur qui estime que le nouveau gouvernement devra miser sur la bonne gouvernance. « C’est une notion importante si on souhaite donner confiance aux acteurs économiques », partage notre interlocuteur.

Développer de nouveaux secteurs

Le pays ne pourra pas dépendre uniquement des secteurs existants s’il veut continuer à croître. Les économistes recommandent le développement de nouveaux pôles de croissance. Pour nos interlocuteurs, l’économie verte ou encore l’économie bleue doivent devenir une réalité. « Nous devrons accélérer les initiatives pour la mise en œuvre de nouveaux pôles de croissance, y compris les projets d’économie bleue. Dans tous les cas, les pôles de croissance devront promouvoir et attirer l’innovation », préconise Manisha Dookhony. L’accent devra également être mis, ajoute-t-elle, sur l’expansion des initiatives mauriciennes en Afrique, « en incitant davantage les entreprises à étendre leur empreinte sur le continent africain ».  


Pour un ministre des Finances à plein temps

Les économistes, tout comme les acteurs économiques, recommandent un ministre des Finances à plein temps. « Avoir un ministre des Finances à plein temps pourrait aider à mieux cerner les contraintes et enjeux économiques », explique Manisha Dookhony. Pour Ganessen Chinnapen, Renganaden Padayachy serait “the right person in the right place”. « Il devra, en consultation avec le Premier ministre, prendre des décisions courageuses pour remettre l’économie sur les rails », souligne-t-il. Pour Vishal Ragoobur, il est aussi important que les autres ministères reliés à l’économie (Services financiers, lndustrie et Commerce, etc.) soient occupés par des ministres « compétents » qui « comprennent surtout les enjeux ». Manisha Dookhony estime, dans la même foulée, que le gouvernement devra renforcer les bureaux économiques et de représentation de l’Economic Development Board (EDB) à l’étranger, surtout en Afrique, ou encore nommer des ambassadeurs et des consuls qui ont l’économie à cœur.