Kevin Ramkaloan : «Il faudra s’atteler à remettre l’économie au cœur des priorités» | Défi Économie Aller au contenu principal

Kevin Ramkaloan : «Il faudra s’atteler à remettre l’économie au cœur des priorités»

Kevin Ramkaloan
Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius

Dans cet entretien réalisé le dimanche 10 novembre, le CEO de Business Mauritius passe en revue les différents secteurs qui demandent une attention particulière du nouveau gouvernement. Un ministre des Finances sera d’un soutien conséquent, selon lui.

Une loi régissant le financement des partis politiques fait partie intégrante de la bonne gouvernance

Le gouvernement sortant a été reconduit au pouvoir. Quelle est la priorité en ce début de mandat ?
Les élections générales se sont déroulées dans le calme. La démocratie a été respectée. Nous félicitons le gouvernement qui a été élu avec une marge confortable. Passé le cap de prestations de serment et nomination de ministres, il faudra s’atteler à remettre l’économie mauricienne au cœur des priorités. L’économie est tournée vers l’exportation de biens et services, ce dans un contexte mondial dominé par une croissance 2019 revue à la baisse par les organismes internationaux. Les incertitudes liées aux tensions commerciales perdurent. Les instabilités géopolitiques sont omniprésentes. Donc, il est essentiel que nous jetions les bases pour une relance des secteurs qui font face à des difficultés.

Qu’en est-il de la bonne gouvernance ?
Le modèle de développement du pays par rapport à la région se doit d’être soutenu par une forte gouvernance. Le dialogue entre les secteurs public et privé est permanent. Ces échanges représentent une force dans le paysage économique mauricien, surtout quand on prend en considération le travail qui a été abattu jusqu’ici et ce qui sera fait à l’avenir. Nous devons poursuivre avec la consolidation de nos institutions.

La nomination d’un ministre des Finances et du développement économique sera d’un apport considérable dans le développement durable et inclusif. Il est aussi question de mesures fortes pour mitiger les risques liés à notre vulnérabilité environnementale, d’une stratégie claire pour accélérer le développement de notre capital humain et d’une révision de notre stratégie africaine pour un déploiement rapide et efficace.

Et le financement des partis politiques ?
Une loi régissant le financement des partis politiques fait partie intégrante de la bonne gouvernance.

Vous faites état de besoins sectoriels. Commençons par le tourisme où les arrivées n’augmenteraient que de 1,8% en 2019 avec une progression d’un pourcent dans les recettes, estimées à Rs 64,7 milliards pour l’année. Qu’attendez-vous en termes de mesures concrètes ?
En cette fin d’année, le tourisme fait un léger mieux par rapport aux prévisions. Cependant, il est essentiel que nous mettions en place un produit touristique durable, axée sur l’authenticité, l’environnement et l’expérience de la culture et de la beauté interne du pays. La seconde équation à résoudre concerne le manque de main-d’œuvre de qualité dans le secteur hôtelier.

Quelque 18 mois après que le comité privé/public ait soumis ses recommandations au gouvernement sur le dossier cannier, anticipez-vous des annonces rapides ?
L’industrie cannière est en situation précaire. Le cours du sucre sur le marché mondial reste en dessous du prix viable pour les opérateurs. À ce jour, sans prendre en considération l’impact de la Workers’ Rights Act, le coût pour fabriquer une tonne de sucre est de Rs 17 000. Aujourd’hui, il est plus que jamais important de prendre des mesures adéquates pour que les produits dérivés de la canne, à l’instar de la biomasse, soient mieux rémunérés. L’harmonisation de coûts est tout aussi essentielle pour la survie même du secteur. De plus, si le secteur s’effondre, la répercussion sur le coût de l’énergie sera conséquente, une raison additionnelle pour s’assurer que l’industrie cannière soit pérenne.

Le secteur manufacturier local régresse. Y-a-t-il de nouvelles avenues pour redynamiser cette industrie historique et source majeure de devises étrangères ?
La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine nous présente des opportunités à exploiter. Les acheteurs américains se tournent vers des manufacturiers locaux pour des produits de qualité, mais en quantité moindre. Il est souhaitable qu’on agisse rapidement pour que l’indicateur de productivité s’améliore, qu’on maîtrise les coûts de production et de distribution afin que le secteur soit plus compétitif au niveau mondial.

Excluant les secteurs du tourisme, de la canne et de la manufacture, l’économie peut toujours compter sur l’apport des services financiers et des technologies de l’information et de la communication. Tout n’est pas aussi sombre, n’est-ce pas ?
Le secteur des services financiers est une référence quand on note le progrès réalisé par rapport aux nouvelles normes régulatrices mises en place pour s’aligner sur les exigences des organismes mondiaux. Mais le travail ne s’arrête pas là, parce que le secteur dispose d’un plan directeur et des recommandations qui doivent être mis à exécution. Maintenant que les élections générales sont derrière nous, autant s’atteler pour mener une campagne de communication claire et forte en Afrique. La juridiction mauricienne dispose de tous les atouts pour être un centre financier d’excellence et non pas un endroit dédié à la planification fiscale. Quand nous considérons ce qui se passe en Afrique, il est clair que le pays a la possibilité d’être un centre où les fusions et acquisitions, des fonds de développement infrastructurels etc. seront conçus et gérés. Les opportunités d’affaires en Afrique de la juridiction mauricienne sont multiples.

Venons-en au secteur des technologies de l’information et de la communication. C’est vrai, cette industrie maintient son rythme de croissance, avec une expansion de 5,4% cette année-ci, selon Statistics Mauritius. Une fois de plus, les opportunités ne manquent pas. Pourquoi ne pas attirer des startups et des professionnels pour qu’ils fassent de Maurice un lieu de référence pour le Blockchain, l’Intelligence artificielle et la technologie financière ?

La relance passe par un flux accru d’investissements directs étrangers. Or, sur les six premiers mois de 2019, quelque Rs 8,85 milliards des Rs 10,7 milliards reçues ont été canalisées vers le secteur immobilier. Est-ce logique ?
L’immobilier a sa place dans la stratégie de développement. Il faut le mettre dans sa juste perspective. Maurice offre le meilleur climat pour les affaires en Afrique. Nous disposons de moyens pour être le centre d’affaires pour des entreprises et firmes voulant gérer leur business sur le continent d’un pays stable avec un système efficient. Afin d’y parvenir, nous devons offrir des infrastructures publiques, des espaces de bureaux modernes et des résidences de qualité pour que, d’une part, les investisseurs s’installent à Maurice et d’autre part, pour attirer les professionnels et compétences pour concrétiser cette ambition.