Les fonctionnaires interdits de fonction - Sadien : «Il faut un tribunal spécial pour traiter leurs cas» | Défi Économie Aller au contenu principal

Les fonctionnaires interdits de fonction - Sadien : «Il faut un tribunal spécial pour traiter leurs cas»

Radhakrishna Sadien

Le président de la Government Servants Employees Association (GSEA), Radhakrishna Sadien, porte un jugement sévère sur la gestion des fonds publics et se dit en faveur d’un comité élargi pour se pencher sur le rapport du Public Accounts Committee ( PAC).

Chaque année, le Public Accounts Committee continue de pointer du doigt des gaspillages des fonds publics au sein de certains ministères. Après les clameurs dans la population, c’est le business as usual. D’après-vous d’où vient le mal  ?
D’abord, j’aimerais faire ressortir qu’en tant que gérant de la caisse publique, la Fonction publique aurait dû donner l’exemple au niveau de la transparence et de la bonne gouvernance. Certes, il y a des institutions qui agissent en chien de garde dont le Bureau de l’Audit et le Public Accounts CommitTee, qui ne cessent d’attirer l’attention sur des manquements au sein des ministères, mais malheureusement à ce jour peu a été fait pour remédier à la situation. Je pense que le gouvernement aussi bien que les hauts fonctionnaires ont leur part de responsabilité dans le pourrissement de la situation. Je m’explique : Primo, le gouvernement aurait dû depuis longtemps mettre sur pied un mécanisme pour veiller à une bonne gestion de l’argent public suivant les recommandations du rapport de l’Audit et du PAC. Secundo, il aurait dû avoir une ligne de démarcation entre le pouvoir des ministres et de celui des hauts fonctionnaires qui sont des administrateurs permanents de la fonction publique. Ils doivent avoir le courage de ne pas écouter aveuglément les ordres des ministres et des nominés politiques, qui vont à l’encontre des procédures établies pour rester dans leur bon carnet.

On a l’impression que les hauts responsables de la fonction publique jouissent d’une certaine « immunité  » auprès du pouvoir politique. Sinon comment expliquer qu’il y a toujours un gaspillage des fonds publics ?
 Je pense qu’il ne faut pas généraliser mais le fait demeure qu’en dépit  des critiques sévères du directeur de l’Audit et du PAC, la situation  dure depuis des années,  à ma connaissance aucun haut fonctionnaire n’a été sanctionné. Par contre, on dénombre un certain nombre de fonctionnaires des grades intermédiaires qui ont été interdits de leurs fonctions dans le sillage du rapport de l’Audit et du PAC. Je cite le cas de l’un d’eux dont la suspension dure depuis huit longues années.

Un autre point soulevé par le PAC est que des centaines de millions de roupies sont payées en guise de salaire aux fonctionnaires qui sont interdits depuis des années de leurs fonctions... Vos commentaires ?
C’est un problème que je ne cesse de dénoncer depuis des années car on ne peut interdire une personne pendant des années. D’abord, elle est affectée psychologiquement car tout au long de son interdiction, il y a un point d’interrogation sur son avenir professionnel. Il y a aussi le fait que durant toute cette période elle ne touche que son salaire de base seulement et ne bénéficie pas des autres avantages liés à son poste.Même si demain, elle est blanchie par la justice, elle ne va pas bénéficier d’aucun remboursement et en tant que fonctionnaire, elle ne peut poursuivre son employeur ( le gouvernement) pour réclamer réparation. D’où mon appel pour l’institution d’un tribunal spécial pour traiter, au plus vite, les cas des fonctionnaires qui sont pris en faute dans leur travail.

Est-ce que, quelque part, les syndicats n’ont pas failli eux-aussi car ils n’ont pu mettre la pression pour un redressement de la situation dans la fonction publique ?
 À notre niveau, nous avons fait plusieurs représentations mais malheureusement notre rôle s’arrête là. C’est à l’administration de prendre des décisions. Il serait souhaitable que le chef de la fonction publique soit plus disponible pour recevoir les syndicats pour trouver, dans le dialogue et la concertation, des solutions aux problèmes affectant la fonction publique.

Dans certains milieux on insiste sur un comité élargi pour se pencher sur le rapport du PAC. Qu’en pensez-vous ?
J’ai toujours milité en faveur d’un comité élargi comprenant les parlementaires et des représentants de la société civile dont les syndicats, les associations des consommateurs et la Mauritius Tax Payers Association, entre autres, pour éplucher le rapport du PAC et prendre les mesures nécessaires pour redresser une situation qui n’a que trop duré. Je pense que le public doit pouvoir faire entendre sa voix quand il s’agit de savoir où va son argent. C’est ce qu’on appelle une démocratie participative. Je rappelle que dans son manifeste électoral, le gouvernement Lepep avait promis plus de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des fonds publics.