Metro Express et transport public : concurrents ou complémentaires ? | Défi Économie Aller au contenu principal

Metro Express et transport public : concurrents ou complémentaires ?

Metro Express

Ça y est, le Metro Express sera officiellement sur les rails le 30 septembre 2019. Le public voyageur pourra en faire l’expérience à partir du 1er octobre, ce, gratuitement, sur le trajet Rose-Hill-Port Louis.  Mais cette nouvelle ne fait pas que des heureux. Des travailleurs du transport public ainsi que des chauffeurs de taxi craignent que leur emploi soit menacé.

« On attend le lancement du métro pour voir l’impact... »

À l’approche du lancement officiel du Metro Express, le secteur du transport public s’agite. Bien que le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, ait donné la garantie qu’aucun travailleur du transport public ne perdra son emploi, les employés restent quand même sceptiques, car, selon eux, si les autobus roulent à perte, les opérateurs procéderont sûrement à des licenciements.

Le métro pourra-t-il influer sur le trafic routier et réduire le 'traffic jam' ?
Le métro pourra-t-il influer sur le trafic routier et réduire le 'traffic jam' ?

Un syndicaliste explique qu’il ne comprend pas comment les autorités pourront éviter les pertes d’emploi, car, pour être un succès, le Metro Express devra absolument entraîner une baisse drastique dans le nombre de voitures et les autobus sur le corridor Rose-Hill/Port Louis. « Si le nombre d’autobus et celui des employés restent le même, alors quelle est l’utilité du projet métro" se demande-il. « À moins que le gouvernement ait déjà élaboré sa stratégie, mais à quel coût ?», ajoute le syndicaliste.

Rafick Bahadoor
Rafick Bahadoor.

De son coté, Rafick Bahadoor, le président de la Taxi Proprietors Union et membre du Front Commun des Syndicats du Transport, pense que les autobus excédents seront probablement reconvertis en ‘feeder buses’ pour conduire les passagers vers les gares du Metro Express. «  Avec un tel scenario, ce seront les taximen qui opèrent aux abords des gares d’autobus qui seront pénalisés. Avec les Feeder Buses, qui voyagera en taxi ? En plus, si les Feeder Buses sont gratuits, alors ce sera la mort des taximen urbains », déplore-t-il. Le représentant des chauffeurs de taxi explique que le métro traverse les faubourgs du plateau central, des régions où les taxis jouaient un rôle très important, car les autobus de ligne n’y sont pas réguliers. « Cette situation affectera beaucoup les taximen », appréhende-t-il. Il dit attendre voir comment vont opérer les Feeder Buses car il craint que le nouveau mode de transport se fasse au détriment des chauffeurs de taxi. Il regrette également que le ministre du Transport ne veuille pas écouter les doléances des taximen.

L’angoisse a commencé à gagner les travailleurs du transport public depuis le 27 avril 2012, date à laquelle le conseil des ministres d’alors, sous l’ancien gouvernement, avait donné son feu vert au projet de métro. En 2014, les travailleurs étaient quelque peu soulagés quand l’Alliance Lepep, pendant la campagne électorale, avait déclaré sa totale opposition au projet de métro. Mais le métro est déjà une réalité…

Yusuf Sairally, un des responsables de la United Bus Service Union, nous dit que la crainte de perte d’emplois était toujours là, mais après que le gouvernement ait rassuré qu’il n’y aurait aucune perte d’emplois, les travailleurs étaient soulagés. «Le métro est là, nous ne pouvons bloquer le développement du pays, mais je pense que les autobus sont complémentaires. On a besoin des autobus pour emmener les gens vers le métro », dit Yusuf Sairally. Il ajoute que les responsables du transport public sont en consultation avec les autorités. «On attend le lancement du métro pour voir l’impact et ensuite ajuster notre planification de routes », conclut-il.

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), a toujours été farouchement opposé au projet du métro, principalement en raison de son coût énorme. Maintenant que les autorités laissent entendre qu’elles ont l’intention d’étendre le métro à travers l’île, Jayen Chellum nous dit qu’il est encore plus opposé à cette idée. « C’est grave quand les politiciens disent qu’ils vont étendre le métro à travers le pays, car cela démontre qu’ils n’ont aucun sens de responsabilité par rapport aux fonds publics», dit-il. Et craint-il des pertes d’emplois ? Il répond que, même si le ministre a indiqué que les emplois seront préservés, il y aura quand même des licenciements après 2021 quand le projet sera complété.  

Zohra Gunglee
Zohra Gunglee.

L’économiste Zohra Gunglee argue que, tôt ou tard, l’ile Maurice aurait eu à considérer un mode alternatif de transport pour plusieurs raisons : le nombre de véhicules ne cesse d’augmenter, entraînant une grande consommation de carburants, ayant ainsi un impact majeur sur l’environnement, mais aussi exacerbant le problème de congestion routière, qui affecte l’économie. Or, le gouvernement ne peut continuer à construire plus de routes, en raison du coût énorme des infrastructures mais aussi parce qu’il n’y a plus d’espaces dans les zones habitées.

Mais comment éviter les pertes d’emplois ?  L'économiste affirme que la société devra s’adapter au rythme du développement, mais il revient au gouvernement d’apporter des mesures efficaces pour recycler et redéployer les ressources humaines et autres, afin qu’il y ait une bonne intégration et une harmonie socioéconomique. « Le métro est un symbole de modernité et de développement, et peut coexister avec le transport public, qui devrait à son tour être rehaussé. À ne pas oublier qu’il y aura aussi la création d’emplois à différents niveaux », ajoute-t-elle.

L’économiste Frankie Tang indique que tout investissement dans les infrastructures est bon pour l’économie. « Que ce soit les routes, le métro, les fly-overs, l’aéroport, le port, les investissements massifs ont un effet multiplicateur. Ces infrastructures sont nécessaires à long terme », dit-il. Il explique que tout projet d’envergure prend du temps pour être viable, mais la viabilité dépend aussi sur les compétences qui sont appelées à gérer ces projets. « Il faut investir pour les générations futures », conclut Frankie Tang.


Dev Sunnasy : « L’Impact Assessment se fait avant, pas après »

Dev SunnasyDev Sunnasy, le secrétaire général de 100 % Citoyens, nouvelle formation comprenant des citoyens engagés, réagit à la déclaration du ministre du Transport, Nando Bodha, à l’effet que l’impact réel du métro sera connu après l’entrée en vigueur du Metro Express, sur toute la ligne (de Curepipe à Port-Louis). « C’est pourquoi dans les pays démocratiques on fait un exercice de ‘Impact Assessment’ avant un projet, et non pas après », rétorque-t-il. Dev Sunnasy propose que le gouvernement redéploie le surplus d’autobus vers les régions rurales, où le service de transport public est inadéquat. « Revoir certaines routes afin de mieux servir les villages, les écoles et collèges », soutient-il.


Les cartes à puce dévoilées

Le CEO de Metro Express, Das Mootanah, a lundi annoncé que les cartes électroniques pour voyager dans le métro sont prêtes. Un premier contingent d’environ 200 000 cartes sera sur le marché d’ici fin septembre. Il y a quatre catégories de cartes : adulte, enfant, étudiant et senior citizens. L’on ne sait pas encore s’il y aura une cinquième catégorie de cartes pour les personnes en situation de handicap. « J’espère que ces personnes ne seront pas exclues du projet Metro Express », dit Yaaseen Edoo, Disability Activist.