Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Ahrim : «Le marché touristique anglais nous réserve des surprises, bonnes et mauvaises» | Défi Économie Aller au contenu principal

Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Ahrim : «Le marché touristique anglais nous réserve des surprises, bonnes et mauvaises»

Jocelyn Kwok

Le CEO de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim) explique l’importance et le poids de la Grande-Bretagne dans l’industrie du tourisme. Tenant compte des événements au pays de Sa Majesté, il est d’avis que ce marché pourrait toujours surprendre.

Les arrivées touristiques de la Grande-Bretagne ont chuté de quelque 3 000 pour passer à 87 127 sur les huit premiers mois de 2019. Au Royaume-Uni – la troisième source de touristes – les tumultes politiques se bousculent. Dans cette conjoncture, l’industrie du tourisme ne serait-elle pas la plus grande perdante ?
Il semblerait que ces tumultes vont perdurer, notamment avec la suspension annoncée du Parlement britannique jusqu’au 14 octobre. Tout le monde s’accorde à dire que l’incertitude restera totale pendant un moment, tout au moins jusqu’à l’exécution effective du Brexit - quelle que soit sa forme finale. À court terme donc, rien ne sera facile pour le marché du voyage britannique. Post-Brexit, on spécule surtout sur l’ampleur de la chute immédiate de la livre sterling et le timing de la reprise attendue de l’économie britannique. Cette reprise, qui passerait d’abord par une contraction de l’économie, ou pas, demeure un débat ouvert parmi tous les observateurs aguerris. 

Dans quelle mesure le comportement du Britannique a changé dans le sillage de ces secousses?
Il est clair que le comportement du voyageur britannique hors de ses frontières reste une problématique complexe. Mais, toutes proportions gardées, son attirance et le choix effectif pour une destination de vacances comme Maurice reste une très petite variable dans tout ce vaste ensemble de nos grandes interrogations autour du Brexit et de son éventuel impact sur notre part du marché anglais et donc du nombre de touristes anglais que nous accueillons. 

Déjà, depuis le début de l’année, nous avons subi l’impact brutal de la chute de la livre sterling et même si elle semble se reprendre depuis la mi-août, on nous fait comprendre qu’elle chutera de nouveau. Au niveau des arrivées, nous sommes en décroissance sur le marché anglais. Nous avons dû composer avec la réduction temporaire du service Emirates en avril / mai avec quatre vols en moins par semaine pendant six  semaines. Il est bon de savoir qu’Emirates nous amène plus d’un tiers de nos touristes anglais. Et, depuis peu, il y a la grève chez British Airways. 

À Maurice, les arrivées sont en baisse. Les destinations concurrentes affichent de la croissance. Comment expliquez-vous cette disparité ?
Il convient de relativiser les choses. Maurice a accueilli à fin août 87 127 de touristes anglais. Les Maldives, dans un contexte de suroffre hôtelière et de guerre des prix, affiche 11,1% de croissance sur le marché anglais, mais on y dénombre 73 262 touristes anglais, soit autant que pour Maurice sur les sept premiers mois comparatifs. Et les Seychelles, avec 12,1% de croissance et seulement 16 391 touristes anglais se retrouvent dans une autre échelle. Ce marché anglais que nous connaissons très bien et qui pèse pour 10% de nos arrivées touristiques nous réserve, selon moi, encore des surprises, de bonnes comme de mauvaises. 

Qu’est-ce qui différencie le visiteur britannique des autres touristes ? Est-ce un marché qui peine à se relever après toute crise ?
Le touriste anglais dépense plus fortement que la moyenne, notamment sur son hébergement. Mais historiquement ce marché avait aussi très promptement rebondi après la crise de 2009, plus rapidement que tous les autres. À vrai dire, la chute attendue et quasi-certaine de la livre sterling post-Brexit et l’éventualité d’une contraction, prédite par certains, de l’économie britannique sont les deux principaux éléments à retenir pour notre industrie pour le moment. Les autres paramètres de marché sont quasiment les mêmes et restent dynamiques – le comportement de voyage des Anglais, leur propension à voyager en dehors de l’Europe, leur choix de Maurice par rapport à l’offre concurrente, le service aérien disponible, etc. Pour répondre à votre question, oui on est dans un mood d’anticipation plutôt pessimiste, car l’industrie risque d’être très durement affectée post-Brexit.

Y a-t-il un moyen pour mitiger les impacts ?
Il existe toujours des moyens d’atténuer des impacts négatifs. La poursuite active de notre politique de diversification des marchés-source reste une priorité afin de mieux équilibrer nos risques. Le marché anglais, qui comptait pour environ 13% de notre tourisme en 2006, est maintenant à 11% de part alors que le secteur total a connu une croissance exceptionnelle de 78% entre ces deux dates. Bien entendu, cette voie de la diversification des marchés reste un effort naturel mais à longue haleine.

Est-ce que les autorités pourraient intervenir en cas de détérioration ?
Nous pouvons à très court terme demander aux autorités compétentes un soutien explicite, ou implicite, au taux de change de la livre sterling pour les exportateurs de biens et services engagés dans des transactions ainsi libellées. Dans notre cas, les prix-catalogue engagés très à l’avance sur le marché anglais sont des indicateurs fiables des risques encourus sur le taux de change ainsi que les pertes subies à ce jour.

Si, éventuellement, il y a contraction de l’économie britannique, et donc contraction pour notre économie d’exportation, je pense que l’État saura intervenir auprès des secteurs les plus touchés, comme il l’a fait dans le passé.