Echanges commerciaux : Maurice s’arme contre les dérives du Premier ministre britannique | Défi Économie Aller au contenu principal

Echanges commerciaux : Maurice s’arme contre les dérives du Premier ministre britannique

Textile
Textile et habillement représentent la principale exportation vers le Royaume-Uni

Il est le troisième Premier ministre de la Grande-Bretagne en autant d’années. Comparé à ses prédécesseurs, ce fervent partisan d’un départ de l’Union européenne n’inspire pas confiance au sein de son parti politique, et encore moins dans le monde des affaires. Certes, Maurice, dispose d’une meilleure visibilité sur ses échanges. L’avenir, cependant, reste flou.

Son frère a claqué la porte de son parti. Sa ministre aux Affaires intérieures a soumis sa démission. Il a perdu sa majorité parlementaire le temps d’un vote sur le départ de la Grande-Bretagne (partenaire économique historique pour Maurice) du bloc européen. Boris Johnson, Premier ministre, ne désarme pas pour autant. Envers et contre tous, il s’obstine à maintenir la ligne dure. Accord ou pas, le Brexit aura lieu le 31 octobre, de quoi affaiblir davantage les économies anglaise et britannique.

« Le monde des affaires et les investisseurs sont très nerveux par rapport à l’approche de Boris Johnson au Brexit, » résume Nitin Boodhun, Mauricien établi à Londres depuis 2005, directeur et partenaire d’Arcadis UK Limited, une firme engagée dans l’immobilier.

Il explique : « Son attitude impitoyable et inflexible a créé un climat d’incertitudes, entraînant un impact négatif sur l’appétit des investisseurs pour le marché britannique. Qui plus est, les Britanniques et investisseurs étrangers ont préféré diversifier dans d’autres capitales dont Dublin, Frankfort et Paris. Ils poursuivent leurs activités dans un environnement plus propice et stable dans les court et moyen termes en attendant que la situation ne se décante pour de bon autour du retrait définitif de la Grande-Bretagne. »

Le secteur de l’immobilier est un baromètre de référence en situation de crise dans une grande économie. Et l’analyse de Nitin Boodhun démontre que le marché de l’immobilier a tourné au ralenti tant à Londres que dans des villes comme Manchester et Birmingham. De là, on pourrait résumer l’état d’esprit des petites économies – telles que Maurice – ayant d’étroites relations commerciales avec la Grande-Bretagne, client majeur pour le textile et les sucres locaux.

Si au lendemain du vote en faveur du retrait de l’Union européenne, les opérateurs mauriciens se sont retrouvés dans une opacité absolue relative aux futures relations commerciales avec le Royaume-Uni, la situation s’est stabilisée au cours des trois dernières années. Le poids de la Grande-Bretagne dans les exportations mauriciennes est passé de 24 % à 15 % l’année dernière. La valeur des ventes a reculé de 13,5 % en trois ans, atteignant Rs 6,5 milliards en 2018.

« Les entreprises axées sur l’exportation ont diversifié leurs marchés – bougeant du marché traditionnel britannique vers les États-Unis, l’Afrique du Sud et d’autres pays européens dont l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie, » affirme la Mauritius Export Association (MEXA). En sus, l’association se dit rassurée par le fait qu’il n’y aura aucune perturbation dans les échanges commerciaux avec l’avènement futur du Brexit suite à l’accord entre la Grande-Bretagne et l’Afrique de l’Est et du Sud. Les exportations se feront selon les conditions en cours.

Aucune visibilité

Ceci étant dit, dans la durée, les impacts négatifs se feront toujours sentir. Selon la MEXA, il n’existe aucune visibilité sur les commandes au premier trimestre 2020. À ce jour, d’habitude, les commandes sont déjà confirmées. Ensuite, il existe la crainte que la compétitivité ne joue en faveur des concurrents, à l’instar du Bangladesh, du Cambodge, de la Turquie et du Portugal. Parce que les clients opteraient pour des sources à meilleur marché et plus proches.

Cette analyse de la MEXA a pour racine l’humeur parmi des consommateurs britanniques. L’indice relatif a chuté de quatre points en un an. Avec un retrait sans accord que préconise Boris Johnson, il se pourrait que les consommateurs réduisent leurs dépenses en voyages, mode et style de vie et alimentation, entre autres. La demande pour des produits textile et d’habillement Made in Mauritius (principales exportations vers la Grande-Bretagne) serait moindre, tenant compte de ces facteurs de mêmes que les incertitudes exacerbées par l’actuel Premier ministre. 5

Petite monnaie

Autre souci pour les exportateurs est la perte en valeur de la livre sterling. Selon les données communiquées par la MEXA, la livre sterling est passée de Rs 51,92 le 23 juin 2016 à Rs 47,14. En un mois (août à septembre 2019), la monnaie britannique a perdu 3 % vis-à-vis de la roupie mauricienne, une baisse additionnelle de revenus pour les petites et moyennes entreprises ayant la livre sterling comme monnaie de paiement.

Avec un tel alignement de conditions défavorables, on ne serait guère surpris d’apprendre que le Royaume-Uni soit en récession. Contre toute attente, l’économie devrait enregistrer une croissance de 0,3 % au troisième trimestre, selon le National Institute of Economic and Social Research. Et une réflexion davantage nationale et plus sérieuse par rapport à une logique électorale de la part du Premier ministre britannique serait la bienvenue pour l’Europe, son principal partenaire commercial, et des économies telles que Maurice.


Commodités : « Des opportunités pour le sucre »

Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Mauritius Sugar Syndicate, est d’avis que les sucres locaux pourront toujours profiter d’un accès préférentiel au marché britannique. La moyenne annuelle de sucres exportés vers ce marché sur les cinq dernières années a été de 44 000 tonnes, ce qui reflète l’importance du Royaume-Uni pour l’industrie. Ci-dessous des extraits de l’entretien : « Valeur du jour, le Royaume Uni reste un des marchés les plus importants pour les sucres spéciaux. D’ailleurs, c’est sur le marché britannique que nous avons commencé à développer la vente des sucres spéciaux une quarantaine d’années de cela. Avec l’avènement probable d’un Hard Brexit, une dépréciation de la livre sterling, donc un déclin du pouvoir d’achat, peut déjà se faire sentir, et cela pourra mettre de la pression sur le prix de nos ventes à l’avenir (…)

En cas d’un Hard Brexit, les autorités britanniques ont, par ailleurs, indiqué qu’une taxe de 150 euros serait imposée sur l’importation du sucre blanc, incluant des autres pays européens en l’absence d’un accord commercial. Sachant que la France, la Hollande, la Belgique, et quelques autres producteurs européens ont fourni dans le contexte d’un marché commun, environ 500 000 tonnes de sucre blanc annuellement sur le marché britannique, ils risquent d’être donc désavantagés par cette taxe.

Maurice a l’avantage d’avoir pu négocier, par le biais de l’Afrique orientale et australe, pour que nos privilèges sur le Royaume Uni soient maintenus. Le gouvernement britannique a bien donné la garantie qu’il n’y aura pas de disruption of trade. Ainsi, avec un Hard Brexit, en conséquence d’une baisse de livraison de sucre blanc du continent, nous pourrons donc nous retrouver avec des opportunités additionnelles de vente sur ce marché à des niveaux de prix plus attrayants. »